Élections législatives verrouillées et pression maximale en Russie

Le scrutin pour les législatives a débuté le jeudi 16 septembre soir dans l’extrême est du pays et se prolonge jusqu’au dimanche 19 septembre. La popularité du parti au pouvoir n’a jamais été aussi basse avec moins de 30% d’opinions favorables. Mais, avec la répression de l’opposition et la pression sur les médias, le Kremlin a tout fait pour s’assurer de la victoire

 

En Russie, la pression maximale, s'exerce jusqu’au bout. On avait commencé à voter depuis plusieurs heures dans l’Extrême-Orient, quand on a appris, vendredi 17 septembre, que Google et Apple avaient cédé à la pression des autorités russes et supprimé l’application « vote intelligent ». Cette application permettait de repérer, suite aux recommandations du camp Navalny, le candidat le plus à même de battre celui du pouvoir.

De toute façon, avec des centaines de candidatures bloquées et un Navalny en prison, la campagne n’a pour ainsi dire jamais existé. Pour donner une allure de pluralisme à ce vote, on a bien assisté à l’arrivée de plusieurs nouveaux partis et de nouveaux candidats pas toujours très à l’aise. Au début du mois, on a ainsi vu un candidat débutant demandant à quitter un plateau télévisé au tout début de sa présentation. Peu de téléspectateurs ont d'ailleurs pu visionner ce moment : le programme était présenté tôt le matin ou tard le soir, et quasiment rien ne figurait sur les sites internet des télévisions.

Peu de suspens

Dans ce contexte, le suspense est pour le moins limité : il concerne le niveau de participation et le résultat des communistes : le parti KPRF, c’est l’opposition dite « systémique », tolérée par le Kremlin, représentée au Parlement et loyale sur l’essentiel. En parlant pouvoir d’achat et retraites, ils ont toutefois réussi à incarner une forme de vote sanction et attirer des électeurs qui n’adhèrent pas nécessairement à leur rhétorique.

Une enseignante rencontrée à Nijni Novgorod explique ainsi : « Je vais voter pour les communistes, parce que leurs chances contre le parti au pouvoir sont les plus élevées, ce sont vraiment ceux qui peuvent avoir le plus de voix. Je ne vais pas dire que c’est un parti qui me comble, mais je préfère encore  voter pour eux. Ce n’est vraiment pas un choix du cœur, mais puisque je pense qu’il faut montrer au pouvoir que nous ne sommes pas d’accord, tous les moyens sont bons. Le pouvoir ne nous comprendra jamais, mais cela ne veut pas dire que nous devons arrêter d’essayer. De toute façon, c’est le seul moyen pacifique d’exprimer sa protestation ».

La stratégie Navalny : voter pour les communistes

C’est d’ailleurs la stratégie arrêtée par le camp Navalny qui a recommandé le plus souvent de porter ses voix sur un candidat communiste. Un choix qui a fait débat et qui divise dans l’opposition et qui pourrait générer une déperdition de voix. Pour Andreï Kolesnikov, chercheur au Carnegie Institute : « Pour les gens qui croient aux idées libérales, à la démocratie, et qui ont vécu sous le communisme, il est important de ne pas participer aux élections de manière presque technique, mais de voter sur le fond. Pour eux, il ne reste qu’un seul parti qui soit encore autorisé à participer aux élections, c’est le parti Iabloko qui est de centre gauche. Une partie de ces gens va maintenir son vote pour ce parti ».

À quoi servent donc ces élections verrouillées et sans aucune chance pour l’opposition ? Bien plus qu’à afficher une simple façade démocratique en tout cas, juge Andreï Kolesnikov : « C’est une manière de faire comprendre aux Russes 'hey regardez, vous êtes dans la majorité : Vous avez voté pour nous, et vous nous avez légitimé. Ce n’est pas seulement vos voisins, votre entourage, il y a énormément de gens qui ont voté pour nous. Regardez les chiffres ! ils sont trop élevés !' et les gens vont penser : "C'est vrai, que puis-je faire avec ce régime. La majorité est toujours pour Poutine donc c'est mieux pour moi d’être avec le courant dominant et pas avec la minorité" »

Les pressions pour voter dans certaines entreprises, l’absence d’accès libre aux caméras dans les bureaux de vote, les doutes sur le scrutin sont pourtant déjà là. D’autant qu’il n’y aura pas de mission d’observateurs de l’OSCE : la Russie pour motif de Covid-19 a souhaité une délégation réduite, trop petite pour assurer un travail correct, a jugé l’organisation.


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