Rouvrir ou pas, les mosquées et églises du Sénégal à l'heure du choix

Le pouvoir politique leur a offert de rouvrir les mosquées et les églises, mais de hauts responsables religieux au Sénégal ont choisi de s'abstenir en temps de pandémie, malgré la demande populaire et le feu vert présidentiel.

Deux des plus importantes mosquées de Dakar, la Grande mosquée et la Mosquée omarienne, devraient, sauf revirement, rester fermées vendredi, alors que le président Macky Sall leur a donné la possibilité de rouvrir et d'accueillir leur première grande prière hebdomadaire du mois sacré de Ramadan.

Pas de messe non plus dimanche à la cathédrale de Dakar et dans les églises catholiques du pays.

Un certain nombre de leaders musulmans ont rouvert ou s'y préparent. Mais les évêques mercredi, puis les responsables de la Grande mosquée et de la Mosquée omarienne jeudi ont respectueusement fait savoir qu'en ce qui les concernait les conditions n'étaient pas réunies.

L'imam de la Grande mosquée de Dakar, El Hadji Alioune Moussa Samba, souligne que le nombre de contaminations croît de manière constante et que "les raisons évoquées pour la fermeture des mosquées restent aujourd'hui plus valables que jamais".

"Nous n'avons pas les moyens de faire respecter les gestes barrières", dit-il dans un communiqué.

Sa décision est significative en ce qu'elle concerne l'un des principaux lieux de culte de la capitale, en raison des foules qu'il draine, mais aussi de ses liens réputés étroits avec le pouvoir. Le président de ce pays musulman à plus de 90% s'y rend à l'occasion des grandes fêtes religieuses.

La pression sociale, y compris religieuse, a été abondamment avancée, avec l'impératif de relancer l'économie, comme une raison primordiale du président pour alléger les restrictions imposées aux activités.

Depuis mars, les autorités ont fermé les frontières, les écoles et les lieux de culte, imposé un couvre-feu nocturne et le port du masque, interdit les rassemblements et les déplacements interurbains, limité l'ouverture des marchés. Autant de mesures éprouvant la résistance d'une population dont environ 40% vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.

L'ultrasensible question de la fermeture des lieux de culte avait profondément divisé l'opinion en mars.

Opposition revigorée

Couvre-feu raccourci, ouverture des marchés étendue... le président a desserré la vis lundi. Les lieux de culte seront rouverts. "Nous devons apprendre à vivre en présence du virus", a-t-il dit.

Cette "adaptation" proclamée de la stratégie a suscité des interrogations sur ce qui s'était produit entre le 23 mars, quand il avait instauré l'état d'urgence alors que le pays dénombrait 79 malades et aucun mort, et cette semaine.

Le Sénégal déclare à présent près de 2.200 cas et 23 décès, et l'augmentation est constante.

L'opposition, qui observait une trêve au nom de l'unité nationale, redonne de la voix depuis lundi. L'inquiétude est vive quant aux limites du système sanitaire de ce pays pauvre si l'épidémie s'étendait.

Les responsables religieux ont diversement réagi au discours présidentiel. Le chef de la puissante confrérie musulmane des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, a ouvert la voie à un retour à la prière collective, sous conditions: port du masque, lavage des mains et distanciation.

Les autorités ont prévenu qu'il n'était pas question de prendre d'assaut les lieux de culte et de s'affranchir des gestes barrières.

Mais différents responsables religieux ont dit ne pas être en mesure en l'état actuel de mettre en place les dispositifs nécessaires.

Les évêques respectent "la position des politiques, mais on ne voudrait pas qu'on soit contaminé ou vecteur de contamination parce qu'on est allé à l'église", a dit à l'AFP un responsable de l'Eglise catholique, l'abbé Augustin Thiaw.

Les catholiques représentent environ 5% de la population.

Rouvrir est une "option" offerte par l'Etat, et non une obligation, souligne la présidence.

La décision appartient à "chaque imam" en relation avec l'administration, a dit à l'AFP le porte-parole de M. Sall, Abdou Latif Coulibaly

"Certaines mosquées ont décidé de reprendre, une majorité significative a décidé que non. Pourquoi ne pas considérer cela comme un exercice de responsabilité des imams et de leur communauté?", a-t-il demandé.


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