Pologne: la justice considère une partie des traités européens incompatible avec sa Constitution

Le Tribunal constitutionnel, la plus haute juridiction polonaise, a décidé ce jeudi que certains articles des traités de l'Union européenne étaient « incompatibles » avec la Constitution du pays.

 

Dans son arrêt, la présidente du Tribunal constitutionnel, Julia Przylebska, a énuméré plusieurs articles des traités européens qui, selon elle, sont incompatibles avec la loi suprême polonaise. Les institutions européennes « agissent au-delà du champ de leurs compétences », a-t-elle déclaré, dénonçant « l'ingérence de la Cour de justice de l'UE dans le système juridique polonais ».

Le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller, a salué l'arrêt de la Cour, soulignant qu'il confirmait « la primauté du droit constitutionnel sur les autres sources de droit ». Il considère toutefois que cette décision « n'affecte pas les domaines dans lesquels l'UE a des compétences déléguées dans les traités », tels que les règles de concurrence, le commerce et la protection des consommateurs.

C’est le dernier rebondissement en date d'un long affrontement entre la Pologne et l'Union européenne au sujet de réformes judiciaires controversées introduites par le parti conservateur nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS). Ce différend a porté en particulier sur un nouveau système disciplinaire pour les juges qui, selon l'UE, menace gravement l'indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne.

Mais il existe d'autres sujets de discorde, notamment la nomination des juges et leur transfert sans leur consentement entre différents tribunaux ou divisions d'un même tribunal. Varsovie a déclaré que les réformes étaient nécessaires pour éradiquer la corruption au sein du système judiciaire et a ignoré une ordonnance provisoire de la Cour de justice de l'Union européenne visant à suspendre l'application de ce système disciplinaire.

Pour le secrétaire d'État français aux Affaires européennes Clément Beaune, cette décision constitue une « attaque contre l'UE ». « C'est gravissime », a-t-il jugé sur la chaîne RMC/BFMTV.

Le financement européen en question

Le mois dernier, le commissaire européen chargé de l'Économie, Paolo Gentiloni, a prévenu que l'affaire judiciaire polonaise pourrait avoir des « conséquences » sur le versement des fonds de relance à la Pologne. L'Union européenne n'a pas encore approuvé les 23 milliards d'euros de subventions et les 34 milliards d'euros de prêts bon marché prévus pour ce pays.

Le gouvernement polonais a qualifié les propos de Paolo Gentiloni de « chantage ». Depuis, des responsables européens ont expliqué que l'argent pourrait être déboursé le mois prochain, mais que des conditions strictes seraient posées en échange en matière du respect de l'État de droit. Le mois dernier, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne d'infliger des amendes quotidiennes à la Pologne jusqu'à ce qu'elle suspende les réformes judiciaires.

Ce conflit a fait craindre que la Pologne ne finisse par quitter l'Union européenne, ce qui pourrait affecter la stabilité de cette communauté d'États. Le mois dernier, Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, a rejeté cette idée, déclarant que la Pologne voulait seulement mettre fin à l'« ingérence » de l'UE. « Il n'y aura pas de Polexit (...) Nous voyons sans équivoque l'avenir de la Pologne dans l'Union européenne », a déclaré Kaczynski.

Les Polonais sont majoritairement enthousiastes à l'égard de l'Union européenne, plus de 80% d'entre eux soutenant l'appartenance à l'UE qui a accordé à leur pays des milliards d'euros de subventions et tout son acquis, stimulant ainsi son développement depuis son adhésion en 2004.

Mais les relations entre Varsovie et Bruxelles sont devenues tendues depuis la prise du pouvoir par le PiS en 2015. Ryszard Terlecki, le vice-président du Parlement, a récemment appelé à des « solutions drastiques » dans le conflit qui oppose la Pologne à l'UE. « Les Britanniques ont montré que la dictature de la bureaucratie bruxelloise ne leur convenait pas. Ils ont fait demi-tour et sont partis », a-t-il déclaré.


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