La Colombie reste le pays le plus dangereux pour les défenseurs de l'environnement

Publié le 10/09/2024 | Ajouter un commentaire

Près de 200 défenseurs de l'environnement ont été assassinés dans le monde en 2023, selon le rapport annuel de l'ONG Global Witness publié ce mardi 10 septembre. L'Amérique latine est particulièrement criminogène.

 

Depuis douze ans que Global Witness fait son décompte mortuaire, au moins 2 106 femmes et hommes ont perdu la vie dans un combat environnemental, dans le monde. Un chiffre probablement sous-estimé, car dans bien des régions, les informations sont difficiles à collecter, précise l’ONG qui travaille avec une trentaine d’associations nationales ou locales.

L’Amérique latine se distingue dans ce sombre tableau : environ 85% des 196 meurtres (soit 166 personnes) y ont été commis en 2023. « L’Amérique latine est une région vraiment dangereuse. La société civile est très impliquée dans la défense de l’environnement. C’est une bonne nouvelle et cela nous rend optimistes, car il y a un bon travail de plein d’organisations nationales diverses. Mais la contrepartie, c’est que ces groupes sont exposés à un haut niveau de violence, précisément parce qu’ils font ce travail de documentation et de dénonciation. C’est ce qui explique que chaque année, les chiffres sont pires qu’en Afrique ou en Asie », explique Laura Furones, auteure principale du rapport.

Comme les années précédentes, la Colombie est le pays le plus dangereux pour les militants, loin devant un autre pays amazonien, le Brésil (25), puis le Mexique et le Honduras (18 chacun), le Nicaragua (10), le Guatemala et le Panama (4). L’ONG britannique y recense 79 assassinats (contre 60 en 2022, et 33 en 2021). C’est le nombre le plus élevé pour un seul pays depuis que l'ONG a commencé à réaliser son rapport annuel en 2012. La plupart de ces crimes se sont produits dans des régions situées au sud-ouest du pays : le Cauca (26), le Nariño (9) et le Putumayo (7).

La Colombie peine à sortir de décennies d’une guérilla intestine. « Les conséquences, c’est que le contexte social et politique reste très compliqué avec la présence de groupes armés sur le terrain qui exercent un pouvoir et veulent contrôler le territoire. On voit que les groupes de défense des ressources naturelles sont confrontés à ces groupes criminels et la violence s’intensifie par rapport à d’autres pays de la région », précise Laura Furones.

La Colombie doit accueillir en octobre et novembre la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP16) dans la ville de Cali, suscitant des inquiétudes sur la sécurité des participants. Mais deux dissidences des Farc refusent l’accord de paix de 2016 et font peser une menace sur l’évènement qui doit voir affluer des milliers de participants et négociateurs politiques.

Cette lutte contre l’accaparement des terres explique pourquoi les personnes membres des communautés autochtones et des afro-descendants comptent pour la moitié des victimes, tant au niveau de la Colombie (37) que pour le bilan global. En Colombie, « une illustration de ce problème, c’est le programme de substitution des produits agricoles à la production de coca. Plein de petits producteurs qui produisaient de la coca ont changé pour une production agricole légale et subissent des attaques », explique encore Laura Furones, car les groupes rebelles prélèvent un impôt sur la culture de coca.

Impunité quasi totale

Dans ce sombre tableau, l’Asie n’est pas en reste. « Les chiffres sont plus bas qu’en Amérique latine, mais cela ne veut pas dire que la situation est moins dangereuse. C’est davantage lié au manque d’informations qu’à une situation de sécurité réelle. » En Afrique, Global Witness n'enregistre « que » quatre décès en 2023, mais prévient que ce chiffre était probablement « largement sous-estimé » pour cette raison.

Les Philippines se maintiennent aussi comme un archipel funeste, avec 17 meurtres de militants pour l'environnement en 2023. Dans ce pays (298 tués depuis 2012), Global Witness met en évidence une tendance croissante aux enlèvements dans la région. Deux militantes, Jhed Tamano et Jonila Castro, 22 et 23 ans, accusent l'armée de les avoir enlevées. Les autorités affirment, elles, que les deux femmes appartenaient à une insurrection communiste, qu'elles auraient ensuite quittée. « Depuis notre libération, les menaces n'ont pas cessé », témoignent-elles dans le rapport. Les jeunes femmes s’opposent aux projets de poldérisation dans la baie de Manille aux Philippines, notamment la création d’un aéroport, responsable du déplacement de populations et de destructions d’écosystèmes, selon Global Witness.

Au niveau mondial, la plupart des assassinats sont principalement liés au secteur minier, forestier et agro-industriel.

L’identification des commanditaires des crimes est rarissime, explique Laura Furones, ce qui rend la quête de justice encore plus chimérique. « On a vu avec nos partenaires, en Colombie ou au Mexique, que le niveau d’impunité est pratiquement absolu : plus de 90% des cas ne mènent à aucune enquête. Cela envoie un message très dangereux parce que cela incite à la poursuite de cette violence. »

Enfin, le rapport écharpe également la criminalisation croissante des militants écologistes dans les pays du Nord. « Les lois sont de plus en plus utilisées comme armes contre les défenseurs, et des peines sévères sont plus fréquemment imposées à ceux qui ont joué un rôle dans les manifestations pour le climat », dénonce Global Witness. L’ONG épingle particulièrement le Public Order Act de 2023 qui réprime plus durement les défenseurs du climat et de l’environnement. « Pour le seul mois de novembre 2023, la police a procédé à 630 arrestations pour avoir participé à des marches pacifiques contre des projets d’exploitation gazière et pétrolière ». « Souvent, les entreprises visées par des manifestations, ici en Europe, sont les mêmes qui se rendent coupables d’attaques contre l’environnement et leurs défenseurs » dans les pays du Sud global, conclut Laura Furones.


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