L'UE veut serrer la vis du CO2 pour 2030, une bombe pour l'automobile

Si plusieurs secteurs sont visés, l'automobile, déjà étranglée par une règle de diminution des émissions à 40 %, devrait passer à 55 %. Stratégiquement intenable.

« Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage. » Déjà confrontée à une avalanche de contraintes, pour certaines très difficiles à satisfaire sans briser son fragile équilibre économique, l'industrie automobile peut se préparer à une vilenie supplémentaire. L'Union européenne (UE), très en pointe pour la sauvegarde de la planète au travers de la réduction des émissions de CO2, compte rehausser son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030.

Actuellement fixé à - 40 % par rapport au niveau référent de 1990, il devrait être drastiquement révisé à la hausse et passer à - 55 %, selon une source européenne livrée à l'AFP. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, doit dévoiler ce chiffre lors de son discours de l'état de l'Union, au Parlement européen la semaine prochaine. Il était question jusqu'ici d'une fourchette entre 50 et 55 % qui glaçait le sang des stratèges de l'automobile.

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Cet objectif pour 2030 s'inscrit dans le projet plus vaste de la loi climat, présentée le 4 mars dernier par l'exécutif européen, qui fixe à 2050 l'objectif de neutralité carbone pour l'UE. En d'autres termes, l'équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et leur absorption par des procédés de capture et séquestration. Pour atteindre cet objectif de 2030, plusieurs pistes sont envisagées et les différents secteurs de l'économie seront affectés.

La bataille des normes

Cette décision, si elle devait être confirmée, indique que l'on change la règle du jeu à la mi-temps. Et que la première mi-temps, qui a déjà profondément ébranlé plusieurs constructeurs incapables par leurs propres moyens de satisfaire à un tel diktat, devrait faire des victimes sur la seconde séquence de jeu. En effet, l'objectif général de - 55 % impliquera pour l'industrie automobile l'entrée en vigueur de normes sévérisées pour les nouvelles voitures, selon un schéma qui sera fixé en 2021 par la Commission européenne.

Cela ne se fera pas sans livrer bataille si l'on en juge par une autre norme prenant en compte les émissions de CO2 en 2021. L'an passé, l'UE avait projeté déjà de durcir ses normes, exigeant une réduction de 40 % dans la décennie, chiffre ramené à 37,5 % à l'horizon 2030, après une très forte résistance des constructeurs. Ceux-ci se sentent en effet contraints par l'urgence de passer à l'électrification des véhicules, solution que beaucoup jugent inélégante en termes techniques et environnementaux.

Ils estiment qu'on ouvre la voie à de nouveaux acteurs – Tesla en est un exemple –, mais surtout aux pays asiatiques en voie de développement qui ne nourrissaient, sans cela, aucun espoir de rattraper l'automobile occidentale, plus que centenaire. Si cette dernière reste une référence en termes de qualité, de fiabilité, de service et de distribution, la voiture électrique permet de combler facilement une partie du retard. C'est de cette façon qu'émergent de nouveaux acteurs, à la faveur d'une réglementation CO2 jugée par certains assassine pour l'industrie automobile occidentale.

Montagnes de batteries

Naturellement, les défenseurs de l'environnement trouvaient l'objectif de 37,5 % trop limité et sont revenus à la charge. C'est la raison pour laquelle, sur la séquence 2021-2030, l'objectif viserait désormais une réduction de 50 %, a indiqué la source européenne, confirmant un article du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.

Il va de soi que pour répondre dans un délai aussi court à un tel durcissement de la règle, on fait un boulevard à la voiture électrique. C'est, en quelque sorte, une manière de fixer un objectif de résultat en indiquant la voie technologique pour y parvenir. Un excès de pouvoir manifeste du législateur par rapport aux solutions plus innovantes que pourraient apporter les constructeurs automobiles. On pense notamment aux carburants de synthèse sur lesquels travaille BMW et qui pourraient faire fonctionner proprement les voitures actuelles sans grande modification.

Mais les moyens mobilisés par les batteries et par une construction radicalement différente des voitures électriques ne laissent plus guère de lignes de crédit pour les autres voies technologiques. Les gouvernements occidentaux s'en sont marginalement inquiétés en tricotant, chacun à leur manière, un plan hydrogène qui demandera au moins deux ou trois décennies pour déboucher en grande série. Cette fixation électrique créera au moins un marché : celui, à l'image des vieux pneus, qui consistera à recycler des montagnes de batteries. Les écologistes ont sans doute la martingale pour le faire proprement.


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