Mali: l’union nationale n’exclut pas les questionnements après le massacre de Diallassagou

Au moins 132 morts dans le Centre du Mali, c’est le bilan officiel de l’attaque menée ce week-end dans plusieurs villages de la commune de Diallassagou, région de Bandiagara. Bamako a décrété trois jours de deuil national et appelé à « la communion des cœurs et des esprits face à cette épreuve… » Un appel à l’union nationale entendu bien sûr par tous les acteurs politiques, mais qui n’empêche pas certains questionnements sur la stratégie militaire des autorités.

 

Toutes les formations politiques qui ont déjà réagi, quel que soit leur bord, s’inclinent devant la mémoire des victimes et en appellent à la cohésion nationale, au rassemblement. Mais ce nouveau carnage suscite aussi des questionnements sur la stratégie militaire de Bamako. Questionnent soulevés principalement par les partis d’opposition. Le Cadre, qui rassemble ces partis d’opposition, pointe « le regain de tensions et la recrudescence des attaques » dans différentes parties du territoire. Le Codem, membre de ce Cadre, demande même aux autorités de « mettre fin à tout triomphalisme éphémère. » Une allusion au discours officiel des autorités de transition qui, depuis des mois, vantent la « montée en puissance de l’armée malienne », les « villages libérés » par les « vaillants Fama », face à des terroristes « de plus en plus fébriles », « en débandade », et dont les attaques sont qualifiées de « tentatives désespérées. »

Le bilan « impressionnant » de l’armée malienne

Pourtant, l’armée malienne a considérablement augmenté ses opérations antiterroristes depuis le mois de janvier dernier essentiellement dans le Centre, et avec des bilans affichés (jihadistes tués, matériel récupéré) très impressionnants. Mais de nombreux habitants des zones concernées et des sources sécuritaires doutent de la fiabilité de ces bilans. Les organisations de défense des droits de l’homme affirment également que parmi les victimes de l’armée, il y a en fait énormément de civils.

Le cas le plus emblématique, c’est l’opération menée à Moura, fin mars, avec 203 personnes tuées dans le village, toutes présentées comme des terroristes. Un rapport de la Minusma pointait d’ailleurs, chiffres à l’appui, l’augmentation exponentielle des victimes civiles de l’armée malienne il y a trois semaines, ce qui avait suscité la colère des autorités de transition qui avaient estimé qu’il s’agissait d’une tentative de ternir l’image de l’armée nationale.

Deux poids, deux mesures

Le carnage de Diallassagou n’est pas un cas isolé. Si la guerre contre le terrorisme ne se gagne pas en quelques mois, Diallassagou vient mettre en lumière la dégradation générale du contexte sécuritaire. Les attaques terroristes de plus petite envergure sont quasi quotidiennes contre les forces armées et contre les civils. Et depuis plus de trois mois, la branche sahélienne du groupe État islamique s’en prend massivement aux civils du nord-est du Mali : on parle, selon les estimations, de 300 à 500 morts dans la région de Ménaka. Plusieurs partis politiques, et de nombreux cadres communautaires ou des groupes armés du Nord, ont d’ailleurs noté avec stupeur qu’un deuil national avait été décrété après le massacre de Diallassagou, dans le Centre, alors que sur les tueries de Ménaka le silence des autorités est total.

Pas de deuil national, pas même un communiqué : un deux poids, deux mesures qui interroge, pour le moins, sur la vision des autorités quant aux priorités sécuritaires du pays et sur la vision même qu’elles peuvent avoir des différentes parties du territoire.  


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