Dopage et corruption : A son procès, Lamine Diack assume le minimum

Service minimum: jugé à Paris pour corruption, l'ancien patron mondial de l'athlétisme Lamine Diack (1999-2015) a assumé jeudi la décision d'échelonner des sanctions contre des Russes dopés pour "sauver la santé financière" de la fédération internationale (IAAF), mais il s'est tenu à l'écart des aspects les plus sulfureux de l'affaire.

Depuis lundi, le Sénégalais de 87 ans est jugé avec cinq autres personnes, dont seulement deux répondent présent, pour avoir permis de retarder des procédures disciplinaires contre des athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin, fin 2011. Le tout sur fond de négociations avec un sponsor et un diffuseur russes, la banque d'Etat VTB et la chaîne RTR, avant les Mondiaux de Moscou-2013.

Fin 2011, grâce à une nouvelle arme de détection, le passeport biologique, le département antidopage de l'IAAF dispose d'une liste de 23 athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin.

- "Casse-cou" -
A la barre, Lamine Diack, vêtu d'un long boubou blanc, se justifie. "Qui a pris la décision qu'il fallait étaler" les sanctions disciplinaires? "C'est moi, tout le monde a dit +casse-cou président+", expose-t-il, rejoignant la version d'un de ses co-prévenus, l'ancien chef de l'antidopage à l'IAAF, Gabriel Dollé, qui a reconnu lundi avoir appliqué les consignes.

"C'était principalement pour la santé financière de l'IAAF", ajoute Diack, "prêt à faire ce compromis" car la révélation d'un si grand nombre de cas aurait provoqué un scandale et pesé sur des négociations avec des sponsors.

S'il est clair sur ce point, Lamine Diack, dont le discours est parfois décousu, l'est moins sur des aspects plus sulfureux du dossier.

Ainsi, durant l'enquête qui a duré près de cinq ans, il a aussi concédé avoir obtenu en Russie un financement d'1,5 million de dollars, sollicité auprès de l'ancien patron de la fédération russe d'athlétisme (ARAF), Valentin Balakhnitchev, pour mener campagne dans son pays contre le sortant Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012.

Le pacte aurait été scellé fin 2011 lors d'un voyage à Moscou, où Lamine Diack avait été décoré par le président russe de l'époque Dmitri Medvedev. Et finalement, Abdoulaye Wade a été battu par l'actuel président du Sénégal Macky Sall.

Quand la présidente de la 32e chambre, Rose-Marie Hunault, l'interroge sur ce volet, Lamine Diack se fait flou. "C'est eux", les Russes, "qui m'ont demandé si je voulais être candidat", élude-t-il, en concédant avoir évoqué la somme d'"1,5 millions de dollars" devant le ministre des Sports de l'époque, Vitali Moutko.

- "Voyou" -
De même, Lamine Diack assure ne pas avoir été au courant du paiement par des athlètes russes de pots-de-vins, pour un total évalué à 3,45 millions d'euros, en échange d'une "protection totale" contre d'éventuelles sanctions.

Et il affirme être "tombé des nues" quand il a appris, par les enquêteurs jure-t-il, que son fils Papa Massata Diack, alors conseiller marketing de l'IAAF, s'était mêlé de dossiers de dopage, ce qui apparaît pourtant nettement dans un mail déterminant pour l'enquête, qu'il a reçu en juillet 2013.

"Il s'est conduit comme un voyou", lâche Lamine Diack à propos du grand absent de ce procès. Resté à Dakar, Papa Massata Diack ne s'est pas présenté à l'audience et fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, tout comme les Russes Balakhnitchev et l'ancien entraîneur Alexeï Melnikov.

Le retard pris dans les sanctions a permis à plusieurs athlètes russes de participer aux JO de Londres-2012 malgré des passeports biologiques anormaux. Certains y ont même été médaillés, avant d'être déchus pour dopage.

Cela ne figurait pas au scenario, assure Lamine Diack, à qui Valentin Balakhnitchev aurait assuré qu'aucun des Russes concernés ne monterait sur un podium. Ainsi, Lamine Diack met-il en avant le cas de la marathonienne Lilya Shobukhova, qui a "couru et abandonné" à Londres.

"L'idée que quelqu'un participe pour ne pas gagner, c'est truquer les résultats, ce n'est pas le sport !", lui fait remarquer la juge.

Peu après, l'athlète française Christelle Daunay, reconnue victime par les juges d'instruction, est venue témoigner de son préjudice, en racontant comme elle avait été pénalisée au marathon de Chicago, en octobre 2012. Une course, remportée par Shobukhova, qu'elle avait terminé 5e, avant d'être reclassée 4e, mais beaucoup plus tard.

"Dans les marathons, on négocie (les droits d'image) grâce à nos performances. Je n'ai pas pu bénéficier de ma valeur exacte, parce que j'étais 5e et pas 4e", a indiqué la Française.

AFP


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