Birmanie: l'armée continue à tuer des manifestants, le deuil impossible des familles

En Birmanie, chaque jour apporte un nouveau bilan des morts de la répression des forces armées. Les Nations unies ont estimé à 107, dont sept enfants, le nombre de tués samedi 27 mars. Ce lundi 29 mars, les manifestants sont à nouveau dans les rues, bravant la répression.

 

Dans l'État Kachin (Nord), dès l'aube, la population s'est remise à marcher, pacifiquement. Des étudiants sont également descendus dans les rues à Monywa dans la région de Sagaing, dans le centre du pays et à Mawlamyine (Moulmein) dans l'État Môn au Sud-Est, selon des médias locaux. Des centaines de personnes ont également manifesté à Plate, dans la région de Mandalay (centre), avec des banderoles où l'on pouvait lire : « Le peuple ne sera jamais vaincu ». 

Le Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a qualifié la journée de samedi de « jour d'horreur et de honte », « C'est absolument scandaleux »,  a condamné le président américain Joe Biden à des journalistes, dénonçant des morts gratuites. Un communiqué conjoint inhabituel des chefs des forces de défense de 12 pays dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et l'Allemagne a dénoncé l'utilisation de la force par l'armée birmane contre des civils « non armés ». La chaîne locale Myawaddy TV, gérée par les militaires, a fait état de 45 morts samedi, justifiant la répression en affirmant que les manifestants avaient fait usage d'armes à feu et de bombes contre les forces de sécurité.

Des deuils parfois impossibles

Les funérailles des disparus se poursuivent partout dans le pays. Dans la région de Sagaing, des centaines de personnes ont rendu hommage à Thinzar Hein, une étudiante infirmière de 20 ans tuée par balle. Elle était allée prêter mains fortes à des secouristes pour soigner des manifestants blessés.

Les militaires emportent souvent avec eux les corps des manifestants tués, ce qui rend le deuil impossible, raconte Juliette Verlin, notre correspondante à Rangoun. Paing, lui, a perdu son fils dans des circonstances inconnues. C’est la première fois qu'il retourne travailler depuis la mort de son fils. « J’ai dit à ma femme que je reprenais le boulot. Et quand j’ai recommencé à conduire mon taxi side-car, j’ai vu le visage de mon fils, j’entendais sa voix. »

Un matin, son fils Thura Oo est parti rejoindre des amis près d’une barricade dans son quartier de Hlaing Thayar. Quelques heures après, son père apprenait son décès. Sans témoin pour lui raconter la scène, incapable de récupérer son corps, Paing s’est tourné vers un médium, qui lui a raconté les circonstances de la mort de son fils.

« Il s’est levé sous les tirs et il a couru, il a reçu un coup dans son dos, il est tombé - mais il n’était pas encore mort, lui a dit le voyant. Alors, ils lui ont tiré dans la tête et son cerveau a explosé. Les gens n'osaient pas se rassembler pour aller chercher le cadavre car les policiers étaient toujours là. Puis, ils ont arraché sa chemise et l’ont traîné par les bras. Et ils l'ont mis dans leur camion et sont partis en vitesse. »

Paing explique qu’un grand nombre de familles endeuillées du quartier se sont tournées vers ce médium, dont il taira le nom, pour essayer d’obtenir des réponses. Le voyant est aujourd’hui recherché par la police. Il a pris la fuite et ne peut plus aider les familles, une preuve supplémentaire de la guerre psychologique menée par les forces armées contre son propre peuple.


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