Otages pendant 15 mois au Sahel, une Canadienne et un Italien recouvrent la liberté

Une Canadienne et son compagnon italien, enlevés il y 15 mois au Burkina Faso en proie aux violences, sont arrivés samedi à Bamako, en apparente bonne santé après avoir recouvré la liberté dans le nord-est du Mali.

Ni les circonstances de la libération d'Edith Blais et Luca Tacchetto, ni les conditions dans lesquelles ils se sont retrouvés aux environs de Kidal (nord-est du Mali), à près d'un millier de km du lieu de leur enlèvement, n'étaient encore clairement établies.

Des informations préliminaires indiquent qu'ils ont réussi à s'enfuir. Ils se sont ensuite fait conduire auprès des Casques bleus de la mission de l'ONU au Mali (Minusma).

Agé d'une trentaine d'années, le couple est apparu souriant et vaguement désorienté, en particulier quand les responsables maliens, onusiens et canadien venus les accueillir leur ont présenté le coude plutôt que la main tendue, en leur expliquant cordialement les règles imposées par le nouveau coronavirus. Règles auxquelles ils se sont prêtés tout sourire.

Sacrifiant aux consignes du moment, une employée des services sanitaires portant un masque, des lunettes et une combinaison de protection a pris leur température. Les deux ex-otages, en tee-shirts blancs, ne se sont pas exprimés devant les quelques journalistes présents.

Ils ont ensuite été conduits au palais présidentiel. "Quel bonheur, quel bonheur", a répété le président Ibrahim Boubacar Keita, flanqué par les deux jeunes gens. Il a évoqué "le calvaire que l'on peut imaginer", et salué "leur courage physique et moral fabuleux". "Avoir eu le courage de se libérer, d'oser partir, il fallait le faire, ils l'ont fait", a-t-il dit.

Edith Blais, originaire de Sherbrooke, à 160 kilomètres à l'est de Montréal, et Lucas Tacchetto, de Venise (nord de l'Italie), ont disparu mi-décembre 2018 alors qu'ils traversaient le Burkina Faso.

Le couple se dirigeait en voiture vers Ouagadougou à partir de Bobo-Dioulasso, à plus de 360 kilomètres de la capitale de ce pays d'Afrique de l'Ouest, quand leur trace a été perdue. Ils comptaient se rendre au Togo pour un projet humanitaire avec l'organisme Zion'Gaïa.

Le porte-parole du gouvernement burkinabé avait indiqué en avril 2019 qu'ils avaient été enlevés et vraisemblablement conduits hors du pays, mais qu'ils n'étaient pas en danger.

 

- Habillés en Touareg -

 

Leur enlèvement n'a jamais été revendiqué.

Le Burkina Faso, comme toute cette partie du Sahel avec le Mali et le Niger, est confronté à une grave détérioration sécuritaire, dans laquelle les attaques jihadistes se mêlent aux violences intercommunautaires et aux menées crapuleuses. Cette crise a fait des milliers de morts, civils et combattants, et des centaines de milliers de déplacés.

Au moins huit autres otages occidentaux restent en captivité au Sahel, parfois depuis plusieurs années. Un officier de sécurité roumain et un chirurgien australien ont été capturés au Burkina. Mais les ravisseurs sont réputés se jouer des frontières.

Edith Blais et Luca Tacchetto auraient réussi à s'échapper près de Kidal, selon des informations préliminaires fournies par le chef de la mission de l'Onu, Mahamat Saleh Annadif.

"Hier, dans l'après-midi vers 15H00, nos éléments de Kidal m'ont informé qu'ils ont pu trouver deux otages, une Canadienne et un Italien", a dit M. Annadif.

Habillés en Touareg, les deux jeunes gens ont stoppé un véhicule et ont demandé au chauffeur de les conduire au premier poste des Casques bleus, a dit une source sécuritaire sous le couvert de l'anonymat.

Aucune information n'a été fournie sur les circonstances de leur fuite, ni sur leurs ravisseurs.

"On les a contrôlés médicalement, ils se portent vraiment bien, on les a laissés se reposer", a dit M. Annadif.

 

- Pas de rançon malienne -

 

Un vol spécial est allé les chercher samedi pour les conduire de Kidal à Bamako.

Les conditions de leur rapatriement sont gardées secrètes jusqu'à présent.

Le ministre canadien des Affaires étrangères François-Philippe Champagne a exprimé dans un communiqué le soulagement de son pays et la gratitude envers ses partenaires.

"Nous attendons avec impatience le retour d'Édith au Canada, afin qu'elle puisse retrouver sa famille et ses proches", a-t-il dit. Elle "reçoit tout le soutien nécessaire pendant cette période très difficile et éprouvante". Mais, "par respect pour elle et pour l'expérience pénible qu'elle a vécue", il a appelé au respect de sa vie privée.

Kidal, à 1.500 km au nord-est de Bamako, est le bastion des ex-rebelles touareg qui avaient mené l'offensive contre le pouvoir de Bamako en 2012 avant de signer un accord de paix en 2015. 

Malgré cet accord, les violences parties du nord du Mali se sont depuis propagées au centre du pays et au Burkina et au Niger voisins.

La région de Kidal est aussi une zone d'activité du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda, dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly. L'ex-rébellion a été accusée avec insistance d'alliances, au moins de circonstance, avec les jihadistes.

Le ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, a assuré que son pays n'avait versé aucune rançon. "Je peux vous assurer que rien n'a été payé" du côté malien, a-t-il dit à l'AFP.


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