Sénégal: en Casamance, les populations marquées par la fuite de leurs villages

Au Sénégal, l’armée a repris le contrôle des bases du Mouvement des forces démocratiques de Casamance, sur le front sud, à la frontière avec la Guinée Bissau après deux semaines d’opérations, notamment aériennes. Cela fait près de quarante ans que la Casamance est agitée par un conflit latent entre l’État et le mouvement indépendantiste très divisé.

Moulaye Gassama, victime d’une mine antipersonnel en 1996. Deux ans plus tard, tous les habitants de son village, Saliote, ont quitté les lieux. © Charlotte Idrac/RFI

 

 

Moulaye Gassama est aujourd’hui tailleur. Il s’avance avec des béquilles. C’est en 1996 qu’il a sauté sur une mine près de son village de Saliote, il avait 9 ans à l’époque: «j’allais aux champs, je rentrais à la maison vers 18h. Les gens qui m’accompagnaient disaient 'viens, il fait nuit'. J’ai dit ; je ne peux pas bouger ».

Qui avait posé cette mine antipersonnel ? Impossible de la savoir. Mais deux ans plus tard, après plusieurs incidents et attaques, tous les villageois de Saliote ont quitté les lieux.

Ceux de Bafata, eux, étaient déjà partis, dès 1992, il y a près de trente ans. C’était au mois d’octobre se souvient le chef du village, Malamine Preira : « Ils ont brûlé le village. »

Depuis, il se rend sur son champ d’anacarde régulièrement pour récolter les noix de cajou, mais ne reste que quelques heures près du village abandonné : « C'est un risque. Tu ramasses, les gars viennent et t’arrachent, c’est un risque».

L’armée affirme désormais que les populations peuvent rentrer en sécurité. Malamine Preira lui, préfère encore attendre : « On va attendre jusqu'au mois d'avril. On verra si on peut retourner là-bas ».

Le dilemme

Certains déplacés oscillent entre espoir et prudence et se demandent s'il faut rentrer ou rester. Dispersés mais toujours liés, la quarantaine de familles qui ont fui le village de Saliote en 1998 gardent le contact via un groupe WhatsApp. Linko Gassama, le chef de village, est déplacé dans la commune de Djibanar, à une dizaine de kilomètres. « On est en contact, c’est l’""union de Saliote"", on peut s’échanger des idées en un clin d’œil. »

Et sur le groupe, les récents messages concernent les opérations militaires dans la région. « Les gens pointent du doigt la sécurité. On a quitté Saliote, des gens ont été tués, sont tombés sur des mines… Ceux qui disent qu’on n’ose pas retourner, ils disent ce qu’ils ont à dire… Inch’Allah, si Dieu le veut. Ça dépend aussi de l’accompagnement. »

Linko Gassama, chef de village de Saliote, village déserté en 1998, deplacé dans la commune de Djibanar. « On a créé un groupe Whatsapp pour garder le contact » © RFI/Charlotte IdracLégende

 

 

Un « accompagnement » pour reconstruire la localité, les maisons, le puits, le centre de santé… Sidou Gomis, lui, est aujourd’hui installé en Guinée Bissau. Il était enfant quand il a quitté Saliote. Il rentrera s’il y a du travail. « On a des noix de cajou, des oranges, des mangues… Si on retrouve la paix, tout le monde travaille. Il y a même des gens qui voulaient ouvrir des projets, mais avec ces emmerdements–là, est ce que ça aura lieu ou pas ? »

La commune d’Adéane, à quelques kilomètres, a été choisie par le gouvernement pour abriter une « agropole », un parc agro-industriel. L’avancée du projet dépendra de la stabilité de la zone, dans la durée.

Avec Rfi


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