L’ONU appelle à « un cessez-le-feu durable » en Libye

L’abstention de Moscou a permis le vote de la première résolution du Conseil de sécurité sur la Libye après dix mois d’escalade du conflit autour de Tripoli.

Après un silence de plus de dix mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a enfin approuvé, mercredi 12 février, une résolution appelant à la cessation des combats alors que le conflit n’a cessé de se durcir aux portes de Tripoli. Le texte, rédigé par le Royaume-Uni et approuvé par 14 voix sur 15 - la Russie s’abstenant - réclame qu’« un cessez-le-feu durable » succède dans ce pays à la trêve fragile observée depuis le 12 janvier. Il a fait l’objet d’âpres discussions pendant plus de trois semaines, illustrant des divisions internationales persistantes, malgré l’unité de façade affichée lors d’un sommet à Berlin le 19 janvier qui avait appelé à la fin des ingérences étrangères dans la crise libyenne.

La Tripolitaine (ouest) est le théâtre depuis dix mois de combats entre le « gouvernement d’accord national » (GAN) de Faïez Sarraj, reconnu formellement par la communauté internationale, et les forces du maréchal dissident Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénénaïque (est) lancé à la conquête de la capitale. Depuis le déclenchement en avril 2019 de cette « bataille de Tripoli », le Conseil de sécurité des Nations unies avait échoué à adopter la moindre résolution appelant à une désescalade en Libye. La résolution votée mercredi « affirme la nécessité d’un cessez-le-feu durable en Libye, à la première occasion et sans préconditions ».

« Mercenaires »

Londres a choisi de maintenir dans le texte la mention de la « préoccupation [du Conseil] devant l’implication croissante de mercenaires en Libye ». La formule avait fait l’objet la semaine dernière d’un blocage des négociations par la Russie. Moscou réclamait de remplacer le mot « mercenaires » par « combattants terroristes étrangers ».

La Russie est accusée depuis plusieurs mois d’avoir soutenu l’acheminement en Libye de plusieurs milliers de mercenaires du groupe privé Wagner réputé proche de la présidence russe, au profit du maréchal Khalifa Haftar. Moscou a nié tout rôle dans le déploiement en Libye de mercenaires russes.

Lors des négociations, les Etats-Unis ont réclamé l’identification claire du groupe Wagner dans le texte avant d’accepter la seule mention de « mercenaires ». L’ambassadrice américaine adjointe à l’ONU, Cherith Norman Chalet, a regretté après le vote que le Conseil de sécurité n’ait pas été uni. « Il est également très regrettable que des mercenaires étrangers, y compris du groupe Wagner lié au Kremlin, rendent plus difficile une solution politique inclusive » en Libye, a-t-elle ajouté.

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, a justifié l’abstention de son pays par des « doutes » à Moscou sur la possibilité de faire appliquer cette résolution alors que les modalités d’un cessez-le-feu ne sont pas encore arrêtées par les belligérants.

La résolution réclame la poursuite des négociations de la commission militaire conjointe créée en janvier et réunissant les deux camps, pour aboutir à un « cessez-le-feu permanent » incluant un mécanisme de contrôle, une séparation des forces et des mesures de confiance. Réunie à Genève, cette commission s’est séparée samedi sans parvenir à un accord, l’ONU proposant de reprendre les discussions à partir du 18 février.

Selon une source diplomatique requérant l’anonymat, la Russie a voulu faire traîner les discussions à New York pour limiter les pressions de l’ONU sur le maréchal Haftar. « Certains sur le terrain continuent de penser qu’une solution militaire est possible », précise cette source.

Dans une déclaration commune, les membres de l’Union européenne siégeant au Conseil de sécurité (Estonie, Belgique, France, Allemagne et la Pologne, ex-membre non permanent) – sans le Royaume Uni – ont souligné que, selon eux, il était « clair qu’il n’y a pas de solution militaire en Libye ».

Interdiction d’atterrir

La résolution demande au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, de soumettre des propositions sur le contrôle d’un cessez-le-feu « dès que possible » une fois que ce dernier aura été « décidé par les parties libyennes ».

L’ONU a par ailleurs regretté mercredi que ses avions soient « empêchés » d’atterrir en Libye par les forces loyales au maréchal Khalifa Haftar, qui ciblent régulièrement le secteur de l’aéroport de Mitiga, le seul fonctionnel de Tripoli. « L’ONU en Libye regrette que ses vols réguliers, qui transportent son personnel vers et depuis la Libye, ne soient pas autorisés par l’Armée nationale libyenne [armée autoproclamée par Haftar] à atterrir en Libye », a indiqué la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) dans un communiqué.

La Manul, dont la majorité du personnel est basée à Tunis, a précisé que « cette pratique a eu lieu à plusieurs reprises au cours des dernières semaines ». Un porte-parole de la mission a précisé que « l’ONU ne recevait pas de garanties de sécurité » des pro-Haftar pour que ses avions puissent atterrir dans l’ouest de la Libye. L’ONU a estimé que le « fait d’empêcher ses avions de voler vers et en provenance de la Libye entraverait gravement ses efforts humanitaires et de bons offices », notamment « pour fournir l’assistance humanitaire indispensable aux civils les plus vulnérables touchés par le conflit ».


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