Corruption au Parlement européen: la vice-présidente Eva Kaili sanctionnée

Interpellée vendredi 9 décembre par la police belge dans le cadre d'une opération anticorruption en lien avec le Qatar, la Grecque Eva Kaili s'est vu retirer provisoirement ses délégations de vice-présidente. À Bruxelles, eurodéputés et ONG appellent à davantage de contrôles d’éthique.

 

L'annonce est tombée dans ce samedi par un communiqué de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. « À la lumière des enquêtes judiciaires en cours menées par les autorités belges, la présidente Metsola a décidé de suspendre avec effet immédiat tous les pouvoirs, devoirs et tâches qui ont été délégués à Eva Kaili en sa qualité de vice-présidente du Parlement européen », indique-t-il. 

Dès vendredi soir, Eva Kaili avait été exclue du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal), qui souhaiterait aussi la voir céder son siège au Parlement européen. Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) de l'assemblée européenne a annoncé sa suspension « avec effet immédiat ».

L'eurodéputée et quatre autres personnes ont été arrêtées vendredi à Bruxelles à l'issue d'au moins 16 perquisitions dans une enquête sur des soupçons de versements d'argent « conséquents » par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés. L'enquête du juge belge Michel Claise vise des faits de « corruption » et de « blanchiment d'argent » en bande organisée, selon le parquet.

Selon le journal belge L'Echo, « plusieurs sacs remplis de billets » ont été découverts au domicile bruxellois d'Eva Kaili, que la police a perquisitionné après avoir surpris le père de l'élue lui-même en possession d'une grosse quantité d'argent liquide dans « une valise ».

« Culture de l'impunité »

Parmi les personnes interpellées en Belgique, au moins trois sont des Italiens ou d'origine italienne : l'ancien eurodéputé socialiste Pier-Antonio Panzeri (qui a siégé de 2004 à 2019), le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, ainsi que Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D, compagnon de Mme Kaili. Deux autres interpellations ont eu en Italie, celles de l'épouse et de la fille de M. Panzeri.

« Il ne s'agit pas d'un incident isolé », a réagi l'organisation Transparency international au lendemain de l'opération de police. « Depuis plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l'impunité (...) et une absence totale de contrôle éthique indépendant ».

Le parquet fédéral n'a pas nommé le pays du Golfe impliqué, mais une source judiciaire proche du dossier a confirmé à l'Agence France-Presse qu'il s'agissait du Qatar, comme le révélaient les médias belges Le Soir et Knack. « Toute allégation de mauvaise conduite de la part de l'État du Qatar témoigne d'une grave désinformation », a réagi samedi un responsable du gouvernement qatari sollicité par l'AFP.

« Traiter les représentants d’États comme des lobbyistes »

Pour les écologistes, la crédibilité du parlement ne pourra être restaurée qu’à travers un accroissement des règles de transparence, de nouvelles procédures de recrutement dans l’administration et un encadrement des relations entre les élus et les représentants des États-tiers :

« Il faudrait que le parlement soit un peu plus sérieux dans la surveillance des conflits d’intérêt, s’agace Philippe Lamberts, eurodéputé belge et co-président du groupe auprès de notre correspondante à Bruxelles, Laure Broulard. Je pense qu’une règle doit être probablement renforcée et, peut-être, devons-nous traiter les représentants d’États comme des lobbyistes. »

Création d'une autorité indépendante pour restaurer la crédibilité ?

Actuellement les eurodéputés sont censés publier leurs rencontres avec des lobbyistes privés et doivent présenter une déclaration d’intérêts financiers. Mais elles ne sont pas assez vérifiées, selon Raphael Kergueno de l’ONG Transparency International, qui appelle à des mesures fortes :

« Nous appelons urgemment à une réforme de profondeur de l’ensemble des règles de déontologie, non seulement au sein du Parlement européen, mais aussi au sein de la Commission européenne. Et cela passe par l‘adoption d’une autorité indépendante éthique, qui aurait suffisamment de ressources pour faire des investigations, mais aussi pour pouvoir sanctionner en amont les manquements aux règles de déontologie. »

La prochaine session du Parlement, qui démarre lundi 12 décembre à Strasbourg, s'annonce agitée. L'eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) a exigé un nouveau débat sur le même sujet, en fustigeant samedi « le lobbying agressif du Qatar ». Quant aux eurodéputés verts et sociaux-démocrates, ils ont déjà annoncé qu’ils s’opposeraient au démarrage de négociations sur une libéralisation des visas pour les Qatariens dans l’UE.

L'affaire éclate en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs.


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