Voter pour ou contre les réformes proposées ou pour ou contre un homme ?

Le peuple sénégalais est appelé à se prononcer le 20 mars 2016 sur une proposition de réformes constitutionnelles soumise par le Président de la République.

Avant d’arriver au fond des réformes envisagées, il importe de revenir sur certains éléments de contexte.
En effet, ce référendum a été annoncé un soir où l’attente du peuple était toute focalisée sur l’issue que le Président allait donner à sa promesse plusieurs fois rabachée de réduire son mandat de sept à cinq ans.

Comme suite à l’avis ou décision, au fond peu importe, du Conseil Constitutionnel, le Président de la République s’est montré contrit et contraint de revenir sur cet engagement solennel. Compte tenu de ce dédit (n’en déplaisent aux flagorneurs, c’en est un), un front du refus s’est constitué pour rejeter en bloc les propositions faites par le Président pour réformer notre charte fondamentale.

La question de fond est alors de savoir s’il faut sanctionner un homme qui a failli à sa parole, compte non tenu de la pertinence des réformes qu’il propose par ailleurs ou faut-il aller au fond des choses pour apprécier la quintessence des mesures voulues à l’aune des avancées démocratiques auxquelles le peuple aspire légitimement.

A notre avis, une réponse devra être donnée au reniement du Président car la première institution d’un pays n’est pas banale et le poids de sa parole n’est pas le même que celui d’un quidam qui pense pouvoir présider aux destinées du pays. En effet, autant nous pouvons pardonner à un aspirant à la présidence une « méprise » sur ses réelles capacités (encore que !), autant il est inacceptable pour un Président de la République de réitérer un engagement sur plusieurs autels sans s’entourer de toutes les garanties possibles quant à sa faisabilité. Autrement dit, autant il serait, à notre avis tolérable, pour le candidat Macky Sall de se fourvoyer sur sa capacité à réduire le mandat une fois élu, car jusqu’alors seule sa volonté compte, autant il est inconcevable pour le Président Macky Sall de maintenir une telle promesse pour se rendre compte tardivement qu’il n’a pas les coudées franches pour réaliser un tel vœu. Le Président de la République a une kyrielle de conseillers de toutes sortes et peut s’attacher les services des meilleures comptétences du pays, il peut consulter toutes les institutions qui sont sinon des subordonnés, au moins des partenaires.

Maintenir cette promesse sans se donner les moyens de s’assurer de sa faisabilité est alors une légèreté impardonnable au chef de l’Etat.

Toutefois reconnaître cette faute et même reconnaître la nécessité d’y apporter une réponse qui peut se manisfester sous forme d’une sanction populaire, ne devrait pas se manifester par un refus obtus de voir plus loin ou autre chose d’autant que les occasions pour sanctionner ce reniement sont, à notre avis devant nous : il s’agit des élections législatives et présidentielles à venir, lesquelles touchent directement la personne et son appareil.

Un autre élément de contexte, qui découle en partie du premier est la nécessité d’organiser ce référendum. Disons-le net, notre avis est qu’il n’était plus opportun pas plus qu’il ne constituait une urgence. En effet, le référendum ne permet pas de manifester son accord sur un ou plusieurs points et d’en rejeter d’autres, ce qui serait plus indiqué pour une réforme qui porte sur quinze points qui ne sont pas liés les uns les autres. De plus, l’enjeu de la réduction du mandat en cours étant écarté, la voie parlementaire aurait été plus économe pour le pays, en temps, en argent et en énergie. Mais là aussi, manifester sa désapprobation reviendrait à boycotter le référendum, ce qui ne nous semble pas pertinent.

Pour en venir au référendum du 20 mars, il ne concerne pas la personne mais nos institutions et notre aspiration d’un idéal démocratique.

Est-ce que le fait de consacrer la participation des indépendants à toutes formes d’élections ne constitue pas une avancée démocratique ? Est-ce que le fait d’accorder des droits clairs à l’opposition et un statut à son chef ne constitue pas une avancée démocratique ? Le fait de donner la possibilité des sénégalais de la diaspora d’élire des représentants à l’assemblée nationale pour une prise en compte spécifique de leurs préoccupations n’est-il pas une avancée démocratique ?

En renforçant les pouvoirs de l’Assemblée Nationale et de son Président (qui, faut-il le rappeler, peut ne pas être du même bord que le Président de la République) ne fait-on pas avancer la démocratie ? 

En consacrant les droits de troisième génération à nos concitoyens (droits à un environnement sain, aux ressources naturelles de notre pays, la sacralisation du patrimoine foncier) et les devoirs des citoyens vis-à-vis de la Nation prévus à l’article 25-3 nouveau de la Constitution ne fait-on pas avancer notre démocratie ?
Enfin, n’est-il pas temps, après ce revirement de Macky Sall, de stabiliser de façon claire et non équivoque la durée et le nombre de mandats du Président de la République ?

La création du Haut Conseil des Collectivités Territoriales, la possibilité de soulever une exception d’inconstitutionnalité par les justiciables et d’autres points de la réforme étant très techniques, nous faisons le choix de ne pas les évoquer mais notre avis est que globalement, les avantages y attachés sont plus importants que les griefs qu’on peut y porter.

En conclusion, votons oui au référendum du 20 mars au regard du fond du texte, sachant que si le peuple veut donner une réponse sur le reniement de Macky, les élections législatives de 2017 et présidentielles de 2019 semblent être plus appropriées.

Fait à Djiddah Thiaroye Kao, le 05 mars 2016

Par le Président de la Convention Citoyenne LENEEN

Mamadou GUEYE


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