Le Sénégal allège le dispositif anti-coronavirus devant la montée de la grogne populaire

Le Sénégal a annoncé jeudi lever ou alléger bon nombre de restrictions encore en place contre le coronavirus, face à l'exaspération grandissante d'une population affectée jusque dans ses moyens de subsistance.

 

Le couvre-feu est retardé de 21H00 à 23H00 locales (et GMT) jusqu'à 05H00. Les réunions, publiques ou privées, sont à nouveau permises, et les restaurants, les salles de sport, les casinos sont officiellement autorisés à rouvrir, a annoncé le ministre de l'Intérieur Aly Ngouille Ndiaye.

L'interdiction de circuler entre les régions, particulièrement préjudiciable aux échanges, est levée, a-t-il dit dans une intervention télévisée.

Le port du masque et la distanciation restent obligatoires en public, a-t-il souligné. Mais, en dehors du couvre-feu, il ne reste plus grand-chose à l'intérieur du territoire des principales mesures instaurées depuis mi-mars.

Bars et plages restent fermés, a dit le ministre. Dans les faits, les plages demeurent accessibles sans grand souci, à Dakar au moins, et les restaurants ont déjà recommencé à servir.

Le Sénégal a vu monter la grogne contre les entraves aux mouvements et aux activités. Elles affectent les plus vulnérables dans un pays où 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale, et où beaucoup subsistent d'occupations informelles au jour le jour.

Ndiasse Dione, vendeur de chaussures dans le quartier de Niarry Tally à Dakar, n'a "jamais été d'accord" avec le couvre-feu. Avec l'interdiction de circuler, "de nombreux pères de famille sont bloqués quelque part et ne peuvent pas bouger. Ils ne travaillent plus et vivent une situation difficile".

Alerte à Touba

Comme d'autres quartiers de la capitale et plusieurs villes, Niarry Tally a été le théâtre de protestations dans la nuit de mercredi à jeudi.

Des jeunes surtout sont descendus dans la rue, ont incendié des pneus, dressé des barrages et lancé des pierres contre les policiers et les gendarmes qui les ont dispersés à coups de gaz lacrymogènes. Des heurts et des blessés ont été rapportés par les médias.

La nuit précédente, c'est la ville religieuse de Touba, à 200 km à l'est de Dakar, qui s'est agitée, fait exceptionnel et alarmant pour les autorités.

Plus de 200 personnes ont été arrêtées dans le pays, selon le ministre de l'Intérieur.

Le Sénégal a aussi connu une grève des professionnels du transport.

Les services de car devraient reprendre dimanche matin et les gares routières recommencer à opérer, à de strictes conditions comme la prise de température ou la tenue de manifestes d'embarquement des passagers, a dit le ministre des Transports terrestres Oumar Youm.

Se déplacer est vital pour de nombreux Sénégalais, par exemple pour rejoindre les champs à ce moment crucial de l'année.

C'est toute l'activité économique - agriculture, tourisme, programmes d'hydrocarbures,  grands chantiers - de ce pays visant l'émergence qui accuse le coup de la pandémie depuis le premier cas déclaré, le 2 mars.

Cheikh Ndiaye, chauffeur de taxi à Dakar, n'a pas pu retourner au village, dans le centre du pays pour la naissance du dernier de ses quatre enfants fin avril.

Toutes ces mesures "n'avaient pas de sens. En réalité, cette interdiction n'a jamais été respectée. Les gens allaient et venaient et c'est comme ça que le virus s'est répandu", dit-il.

Les autorités ont déclaré plus de 4.000 cas, dont 45 décès. "Nous constatons avec espoir une tendance baissière de la courbe des cas", a dit le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr.

Mais l'inquiétude demeure, en particulier dans la région de Dakar, qui concentre 75% des cas recensés. Au même moment, les expressions d'impatience se sont multipliées.

Le président Macky Sall avait annoncé un premier assouplissement le 11 mai, autorisant la réouverture des mosquées, des églises et des marchés. "Nous devons désormais apprendre à vivre en présence du virus", avait-il dit.

Les frontières restent essentiellement fermées. Les vols intérieurs reprendront progressivement à partir du 15 juin, a dit le ministère compétent. Quant au trafic intercontinental passagers, il donnera lieu à une "évaluation de la reprise progressive à partir de fin juin".


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