Ouzbékistan: une élection présidentielle jouée d'avance

Les 21 millions d'électeurs ouzbeks sont invités à désigner leur président ce dimanche. Le scrutin est joué d’avance dans cette ancienne république soviétique d'Asie centrale frontalière de l'Afghanistan : le président Chavkat Mirzioïev sera réélu pour un second mandat de cinq ans, certainement avec un très haut score. Malgré tout, l’élection n’aura rien à voir avec celle d’avant, de l’époque du président Islam Karimov décédé en 2016, après avoir instauré une dictature qui aura duré 25 ans.

 

Il s'agit plutôt d'une non-élection. Le pouvoir ouzbek a tout fait pour qu’il en soit ainsi. Deux candidats se sont vus barrée la route pour se présenter. Quatre autres affronteront le président sortant Chavkat Mirzioïev, mais ils sont tous des candidats « pro-gouvernement ». Aucun d’eux n’a d’ailleurs osé formuler la moindre critique à l’égard de celui qui gouverne l’Ouzbékistan depuis 2016.  

Des progrès

Le président sortant a pourtant un bilan à défendre, et il est même plutôt bon. Il est populaire dans le pays. Mais on ne sort pas de 25 ans de dictature brutale si aisément. Chavkat Mirzioïev, 64 ans, a été le Premier ministre d’Islam Karimov pendant treize ans, s’occupant des questions économiques. Et en devenant chef de l’État, en 2016, il a centré son mandat sur l’économie et l’amélioration des conditions de vie de ses 35 millions de concitoyens. Et ceux-ci semblent lui en être reconnaissant : il a d’abord rendu beaucoup plus simple la vie économique, en réduisant de beaucoup la pression bureaucratique, étatique. Il a tenté d’aider les petites et moyennes entreprises, en partie restauré la convertibilité de la monnaie nationale, construit des logements. 

Chavkat Mirzioïev a été salué pour avoir aboli le travail forcé dans les champs de coton, libéré des opposants de prison et surtout pour avoir ouvert l’économie. Des réformes qui lui ont même valu d'être désigné « pays de l'année » par l’hebdomadaire britannique The Economist en 2019.

Il a aussi amélioré considérablement les relations avec les pays voisins et avec la Russie, ce qui a un impact important sur l’économie également. Il y a probablement plus d’un million d’Ouzbeks qui gagnent leur vie et celle de leur famille restée au pays, en Russie. Les progrès sont lents, mais chacun semble sentir qu’ils sont réels et devraient se poursuivre. 

Vieux démons

La dictature Karimov était tristement célèbre pour ses violations des droits de l’homme. Sur ce plan-là, la situation est aujourd'hui un peu à l’image de l’économie. Les progrès sont notables, mais beaucoup reste à faire. L’ambiance a changé dans le pays, il est devenu respirable. Des dizaines de prisonniers politiques ont été libérés de prison, le travail forcé des écoliers et étudiants a sérieusement baissé dans les champs de coton, des ONG ont pu s’enregistrer.

Mais depuis deux ans, le président Mirzioïev semble renouer avec le règne de fer de son prédécesseur Islam Karimov. L’ONG Human Rights Watch dénonce notamment le « harcèlement » de l’universitaire et opposant Khidirnazar Allakoulov qui a été empêché de se présenter à l’élection. Des violations graves des droits de l’homme sont encore observées : il y a encore de la torture en prison, les défenseurs des droits de l’homme ont bien de la peine à enregistrer leurs organisations, les journalistes et blogueurs sont parfois persécutés pour leurs écrits.

L’un des défis pour le président ouzbek sera la situation explosive de l’autre côté de la frontière, en Afghanistan. Jusqu’à présent, Chavkat Mirzioïev a cherché à maintenir le dialogue avec les talibans tout en menant des manœuvres militaires avec la Russie, par crainte de voir des jihadistes gagner du terrain. 


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