Covid-19 : des sénateurs brésiliens demandent l'inculpation de Jair Bolsonaro

Des sénateurs brésiliens de diverses tendances politiques, constitués en commission d'enquête sur la gestion du Covid-19, ont réclamé dans un rapport l'inculpation du président Jair Bolsonaro pour au moins dix crimes, dont "crime contre l'humanité". Une inculpation semble toutefois peu probable, le chef d'État brésilien bénéficiant du soutien du procureur général et du Parlement.

 

Le verdict rendu par la Commission d'enquête du Sénat brésilien (CPI) est dévastateur pour l'image du chef de l'État brésilien. Les sénateurs ont demandé, mercredi 20 octobre, l'inculpation du président Jair Bolsonaro pour au moins dix crimes. Ils l'accusent notamment de "crime contre l'humanité" pour sa politique durant la pandémie de Covid-19, selon un rapport publié mercredi par plusieurs médias avant sa lecture.

Après près de six mois d’auditions mouvementées de plusieurs ministres, de hauts fonctionnaires, de dirigeants d’hôpitaux et de familles de victimes du Covid-19, la CPI – constituée de sénateurs de diverses tendances politiques – a rendu un rapport très attendu.

 "Cette Commission parlementaire a recueilli des preuves qui montrent que le gouvernement fédéral (...) a agi avec lenteur dans le combat contre la pandémie de coronavirus, exposant délibérément la population à un risque réél d'infection de masse", peut-on lire dans ce rapport de près de 1 2000 pages.

Pour la CPI, les crimes cités dans le rapport, dont celui de "crime contre l’humanité", de "prévarication" mais aussi de "charlatanisme" sont "intentionnels", le gouvernement Bolsonaro ayant délibérément décidé de ne pas prendre les mesures nécessaires pour contenir la circulation du virus.

Un impact politique

La CPI devrait également demander l’inculpation de plusieurs ministres et des trois fils aînés du président, qui a qualifié la Commission de "mascarade". Il a rejeté l’enquête comme étant politiquement motivée. 

"Ce rapport aura des allures de sentence, mais le gouvernement est serein. On peut critiquer l’attitude du président, mais pas l’incriminer", a déclaré au site Uol Fernando Bezerra, chef du bloc parlementaire du gouvernement au Sénat.

La CPI n’a pas le pouvoir d’engager elle-même des poursuites judiciaires, mais ses révélations pourraient avoir un impact politique considérable, alors que les sondages donnent déjà Jair Bolsonaro perdant face à l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva à un an de la présidentielle.

Le rapport sera tout de même transmis au parquet, seul compétent pour inculper les personnes incriminées par la CPI. Dans le cas de Jair Bolsonaro, les spécialistes jugent cette inculpation peu probable, puisqu’elle est du ressort du procureur général Augusto Aras, un allié de Jair Bolsonaro.

Le président d’extrême droite bénéficie également de soutiens au Parlement à même de lui éviter l’ouverture d’une procédure de destitution. Le vote au Sénat devrait se dérouler la semaine prochaine.

De nombreuses erreurs recensées

Pour son rapport, la CPI a enquêté sur les responsabilités du gouvernement dans la grave pénurie d’oxygène qui a causé la mort de dizaines de patients par asphyxie à Manaus (nord), le discours anticonfinement de Jair Bolsonaro et son déni face à la gravité du Covid-19, une "grippette" qui a fait plus de 600 000 morts au Brésil.

Le gouvernement est aussi épinglé pour des retards et des soupçons de corruption dans l’acquisition de vaccins. Ainsi, Jair Bolsonaro aurait délibérément refusé les premières offres d’achat de vaccins, retardant ainsi le déploiement de la campagne de vaccination au Brésil. Le rapport estime que 95 000 personnes auraient perdu la vie à cause de cette décision.

La Commission s’est également penchée sur les relations entre Brasilia et des mutuelles de santé privées accusées de promouvoir le "traitement précoce", avec notamment de l’hydroxychloroquine, dont l’inefficacité a été prouvée scientifiquement. L’une d’elles, Prevent Senior, est soupçonnée d’avoir mené, à l’insu de ses patients, des expériences avec ce type de traitements, et d’avoir fait pression sur ses médecins pour les prescrire à des "cobayes humains".

"Le rapport de la CPI a clairement pour but d’aboutir à la punition des responsables, et il y en a beaucoup. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas les punir", a résumé mardi Omar Aziz, président de la Commission.


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