Demandeurs d’asile: le Royaume-Uni se barricade derrière une nouvelle législation

Priti Patel, la ministre de l’Intérieur britannique, défend un projet de réforme qui vise à décourager l’immigration illégale en augmentant les peines contre les migrants clandestins et en compliquant le parcours des demandeurs d’asile.

 

Le gouvernement de Boris Johnson a présenté ce mardi 6 juillet un projet de loi durcissant le système d’asile britannique. Le texte prévoit notamment d’augmenter de 6 mois à 4 ans, les peines de prison encourues pour les migrants entrés clandestinement sur le territoire. Les passeurs eux, risqueront désormais la prison à vie. Et le statut de réfugié sera lui, plus difficile à obtenir.

Ce projet de loi intervient alors que les traversées de la Manche en bateau de fortune sont en forte augmentation. Ils étaient 6 000 migrants, lors des six premiers mois de l’année 2021, à entreprendre ce périlleux voyage, soit plus que l’année précédente à la même période. Au total, 8 417 personnes avaient traversé la Manche en 2020, un chiffre qui, cette année, devrait être dépassé avant la fin du mois de septembre, l’été concentrant toujours un grand nombre de départs. Par ailleurs, côté français, les migrants sont poussés au départ en raison d’un « durcissement des conditions de vie entretenu par la gendarmerie », constate François Guennoc, président de l’association humanitaire l’Auberge des Migrants à Calais.

Une hausse qui se constate malgré des conditions de traversée toujours périlleuses et un accueil dégradé outre-Manche. « Il y encore quelques mois les migrants étaient répartis dans des logements en attendant que leur demande d’asile soit traitée. Maintenant, ils sont regroupés dans des camps », ajoute François Guennoc.

Un projet de loi intrinsèquement lié au Brexit

Le projet de loi britannique publié ce mardi fait suite aux accords du Brexit. Si un meilleur contrôle des frontières était un des leitmotivs de ses partisans, la sortie de l’Union européenne a réduit les possibilités de coopération des Britanniques dans ce domaine. Depuis le premier janvier dernier, ils ne peuvent plus s’en remettre aux accords de Dublin. Des accords qui imposaient aux migrants d’effectuer leur demande d’asile dans le premier pays européen atteint. Désormais, les migrants arrivés au Royaume-Uni relèvent automatiquement de la responsabilité du pays et ne peuvent plus être envoyés vers l’Europe.

 

Un problème britannique qui ne concerne pas seulement l’Union européenne. De manière générale, « le gouvernement britannique n’arrive pas à gérer l’expulsion des migrants dont l’asile est refusé, car les pays qui doivent récupérer leurs ressortissants ne coopèrent pas. Ces annonces ont pour vocation de décourager les migrants d’essayer de venir », analyse François Guennoc.

Par ailleurs, le texte défendu par la ministre de l’Intérieur Priti Patel ouvrirait la voie à des centres de traitement des demandeurs d’asile hors du territoire britannique. Une possibilité qui fait bondir le président de l’Auberge des Migrants, qui craint de les voir se transformer en plateformes de rétentions à l’image de celles mises en place en Australie ou en Grèce.

Des mesures contre-productives ?

Selon François Guennoc, ces mesures sont de toute façon vaines. « Pour la majorité de ceux qui s’embarquent à travers la Manche, le Royaume-Uni est la dernière chance. Certains sont menacés d’expulsion hors d’Europe, d’autres d’être renvoyés en Italie ou en Grèce dans le cadre des accords de Dublin. » Des mesures peut-être même contre-productives à court terme, les passeurs risquant de s’en servir pour faire prendre la mer à plus de migrants dans les jours qui viennent « en insistant sur le risque plus élevé à leur arrivée de l’autre côté de la Manche, une fois la loi promulguée », termine le militant associatif.

Le projet de loi attend pour l’instant d’être débattu à la Chambres des Communes. Sur place les associations sont vent debout contre le texte. Le président du Refugee Council a accusé le gouvernement de criminaliser les réfugiés, alors que la Croix-Rouge britannique a appelé celui-ci faire preuve de compassion.


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