La junte birmane exécute quatre prisonniers, dont deux personnalités de l'opposition

La junte birmane a procédé à l'exécution de quatre prisonniers, les premières depuis plus de trente ans, malgré des pressions locales et internationales pour commuer les sentences en prison à vie. Les quatre condamnés avaient vu leur appel rejeté début juin.

 

Deux d’entre eux, Ko Jimmy et Phyo Zeyar Thaw, sont des symboles de la lutte pour la démocratie, et leur arrestation avait fait grand bruit. Ko Jimmy était un vétéran du groupe d'étudiants de la génération 88, un mouvement pro-démocratie birman connu pour son activisme contre la junte militaire lors des soulèvements étudiants de 1988. Il a fait plusieurs séjours en prison pour son implication dans le mouvement pro-démocratique, avant d'être libéré en 2012.

L'armée avait émis un mandat d'arrêt à son encontre dès le 13 février 2021 pour incitation présumée à l'agitation et menace à la « tranquillité publique » en raison de ses publications sur les réseaux sociaux critiquant le coup d'État militaire du 1er février. Il a été arrêté en octobre dernier après avoir été accusé d'avoir caché des armes et des munitions dans un appartement de Rangoun et d'être un « conseiller » du gouvernement d'unité nationale.

Phyo Zeya Thaw est un ancien député du parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie. Cet ancien artiste hip-hop était l'un des quatre membres fondateurs de Generation Wave, un mouvement de jeunes opposés aux dirigeants militaires de la Birmanie. Il avait été arrêté en novembre et condamné à la peine de mort en janvier pour avoir enfreint la loi antiterroriste. La semaine dernière, la femme de Phyo Zeyar Thaw déclarait que même si l’exécution n’avait pas lieu, son combat pour le reste de sa vie serait de détruire la junte, rapporte notre correspondante à Rangoun, Juliette Verlin. Un sentiment partagé par la résistance armée depuis le coup d’État du 1er février 2021.

Des représailles attendues

Les deux autres prisonniers exécutés, Hla Myo Aung et Aung Thura Za, sont deux hommes accusés d'avoir tué une femme qu'ils soupçonnaient d'être une informatrice de la junte. L'armée au pouvoir poursuit une répression sanglante contre ses opposants avec plus de 2 000 civils tués et plus de 15 000 arrêtés depuis le coup d'État, selon une ONG locale.

À Rangoun, une bannière avait été déroulée sur un pont routier du centre-ville, où l’on pouvait lire : « Si les condamnations à mort sont maintenues, nous allons user de représailles. » Aujourd’hui, tout le monde s’attend à ce que l’exécution marque une nouvelle étape dans la spirale de violence que connaît le pays depuis plus d’un an. 

Le parti pro-démocratie de l'ancienne dirigeante renversée Aung San Suu Kyu s'est dit « dévasté » après les exécutions. « En plus des innombrables atrocités contre le peuple birman, la junte militaire a effrontément commis un autre crime outrageux (...) ignorant les demandes de la communauté internationale et de ceux qui réclament la justice », a écrit dans un communiqué la Ligue nationale pour la démocratie, dont l'un des anciens députés, Phyo Zeya Thaw, fait partie des prisonniers exécutés.

L'ONU condamne une mesure « cruelle et régressive »

La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a condamné, elle aussi, l'exécution, qualifiant la mesure de «cruelle et régressive». « Je suis consternée qu'en dépit des appels lancés dans le monde entier, les militaires aient procédé à ces exécutions sans aucun égard pour les droits humains. Cette mesure cruelle et régressive s'inscrit dans le prolongement de la campagne de répression que les militaires mènent actuellement contre leur propre peuple », a affirmé Michelle Bachelet dans un communiqué.

Ces exécutions constituent « un acte de la plus grande cruauté », a réagi l'ONG de défense des droits humains Human Rights Watch. « Les pays membres de l'Union européenne, les États-Unis et les autres gouvernements doivent montrer à la junte qu'il y aura des comptes à rendre pour ses crimes », a déclaré Elaine Pearson, directrice Asie de l'ONG.

Les États-Unis, de leur côté, ont également réagi par l'intermédiaire de leur représentant diplomatique en Birmanie. « Nous condamnons l'exécution par le régime militaire de leaders pro-démocratie et de représentants élus pour l'exercice de leurs libertés fondamentales », a écrit l'ambassade américaine à Rangoun, quelques heures après l'annonce de l'exécution de quatre hommes. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a quant à lui catégoriquement condamné ces exécutions. « Ces violences répréhensibles démontrent le mépris total du régime pour les droits humains et l'état de droit », a dit le secrétaire d'État dans un communiqué.

Une position partagée par l'UE. « Ces exécutions pour des motifs politiques représentent une nouvelle étape vers le démantèlement complet de l'État de droit et une nouvelle violation flagrante des droits humains en Birmanie », a affirmé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell dans un communiqué, rappelant l'opposition de l'UE à la peine de mort, une « punition inhumaine, cruelle et irréversible ».

Pour sa part, la France « condamne fermement » les exécutions et estime que c'est une « nouvelle étape dans l'escalade des atrocités commises par la junte birmane depuis le coup d'État », selon la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

C'est un exemple de plus du bilan effroyable de la junte en matière de droits humains.


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