Un candidat très controversé à la présidence d’Interpol

Interpol, l’organisation mondiale de lutte contre la criminalité réunit, du 23 au 25 novembre, son assemblée générale pour élire un nouveau président. Le favori est un candidat émirien qui fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs plaintes ont été déposées contre lui pour des atteintes aux droits humains.

 

« Qu’Interpol, l’organisation internationale de lutte contre la criminalité, puisse élire à sa tête un criminel paraît invraisemblable, mais c’est pourtant ce qui risque d’arriver », résume Hubert Julien-Laferrière. Le député français élu du Rhône, où siège Interpol, mène depuis des mois la fronde contre la candidature de l’Émirien Ahmed al-Raisi à la présidence de l’organisation internationale.

Ahmed al-Raisi est inspecteur général du ministère de l’Intérieur aux Émirats arabes unis (EAU). En tant que chef de la police, il est accusé de mener une répression féroce contre les opposants politiques et les militants des droits humains. Pour quelques posts critiques sur internet, le blogueur Ahmed Mansour est enfermé depuis cinq ans dans une cellule de 4 m2 et subit les pires sévices, selon William Bourdon, l’avocat français qui a déposé plainte en France contre Ahmed al-Raisi, au nom de l’ONG Gulf Center For Human Rights.

Mais le dignitaire émirien est aussi soupçonné d’être à l’origine de tortures infligées à deux citoyens britanniques de passage aux Émirats. Ils sont venus témoigner devant la presse, à l’invitation du député Hubert Julien-Laferrière mardi 16 novembre à l’Assemblée nationale. Ali Issa Ahmad est un simple supporter de football britannique. En janvier 2019, il vient assister à un match de la Coupe d’Asie, aux EAU. Son tort : porter un tee-shirt du Qatar, en froid avec les Émirats à l’époque. C’est le début d’un long calvaire pour lui.

« J’ai été torturé juste pour un tee-shirt »

« On m’a mis dans le coffre d’une voiture, menotté les mains, un type a sorti un couteau de poche et a découpé sur moi le tee-shirt que je portais en disant que ce drapeau du Qatar n’était pas autorisé ici, raconte-t-il en montrant sur son téléphone des photos de ses cicatrices sur le ventre. Après, j’ai été détenu dans un endroit spécial, torturé, subi des décharges électriques et d’autres choses vraiment terribles, juste pour un tee-shirt, ce n’est pas un crime ! »

Ali Issa Ahmad est libéré au bout de trois semaines. Matthew Hedges, lui, a été détenu durant sept mois. En mai 2018, cet universitaire britannique menant des travaux sur l’appareil sécuritaire aux Émirats, est arrêté et accusé d’espionnage. Il raconte « avoir subi des pressions extrêmes » qui l’ont conduit à signer des aveux forcés. Libre, il apparaît encore sous le choc aujourd’hui.  Les deux Britanniques ont porté plainte contre Ahmed al-Raisi en Angleterre, persuadés qu’il est à l’origine de leurs supplices.

« Aux Émirats, tout se décide au plus haut de l’appareil sécuritaire », confirme Khalid Ibrahim, directeur de l’ONG Gulf Center For Human Rights. Ce dernier salue le dépôt de plaintes à l’étranger, car « aux Émirats, rien ne se passe », déplore-t-il. Au nom de la compétence universelle, la justice peut théoriquement ordonner l’arrestation d’Ahmed al-Raisi s’il se trouve dans l’un des pays où ont été déposées les plaintes : la France, l’Angleterre ou la Turquie où s’ouvre l’assemblée générale d’Interpol ce mardi. 

En France, il faudrait encore que le parquet se saisisse de l’affaire, tempère Patrick Baudoin, président d’honneur de la FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme. Lui, met en garde contre les conséquences qu’auraient l’élection de l’Émirien à la présidence d’Interpol. « Ce bourreau pourrait continuer à mener ses basses besognes, mais dans le monde entier, avec une sorte de légitimité qui lui serait conférée, ce qui serait un véritable scandale ».

« La France ne demande aucun compte concernant les droits humains »

L’affaire pour autant ne trouve pas beaucoup d’échos dans le monde politique. Une cinquantaine de parlementaires français se sont mobilisés avec Hubert Julien-Laferrière pour demander publiquement au président Emmanuel Macron de rejeter la candidature d’Ahmed al-Raisi. Seul le ministère de l’Intérieur a répondu. Il a fait savoir qu’il n’avait pas d’éléments pouvant confirmer les allégations contre Ahmed al-Raisi, et qu’il considérerait toutes les candidatures. Il faut dire que Paris entretient des relations étroites avec les Émirats arabes unis. « La France vend beaucoup d’armes aux Émirats, précise Hubert Julien-Laferrière, et elle ne demande aucun compte concernant les droits de l’homme ».

Ahmed al-Raisi a mené une campagne intensive de lobbying pour son élection à la présidence d’Interpol, qui se fera à bulletin secret. Il n’a, à ce jour, qu’une seule adversaire, la Tchèque Sarka Havrankova, et a toutes les chances d’être choisi.

Sollicité par RFI, il n’a pas répondu directement aux accusations pesant contre lui. Mais l’ambassade des EAU en France s’en est chargée en défendant sa candidature : « Le major général al-Raisi est un grand professionnel qui cumule 40 ans de carrière dans la police, au service de l’intérêt collectif. S’il est élu président d’Interpol, son engagement pour la protection des populations ne faiblira pas. » 

Le nom du nouveau président d’Interpol sera annoncé ce jeudi 25 novembre.

Avec Rfi


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