L’État de droit en Pologne dans le viseur de Bruxelles

Didier Reynders, le commissaire européen à la Justice, est attendu à Varsovie où il sera question de la réforme du système judiciaire polonais, contestée par l’Union européenne. Mais d’une manière plus large c’est l’État de droit qui est menacé dans ce pays selon Bruxelles. Depuis fin octobre, et à la demande de la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé des sanctions à Varsovie, tant que le gouvernement ne se sera pas conformé à un arrêt rendu par cette même Cour qui réclame la suspension immédiate du fonctionnement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême perçu par les magistrats comme un instrument de contrôle politique. Un sujet qui fait donc l’objet d’un bras de fer entre Bruxelles et Varsovie.

 

La visite attendue ce jeudi 18 novembre de Didier Reynders ne va certainement pas permettre de résoudre cette crise. Pour le parti au pouvoir en Pologne, le PIS, le parti Droit et justice, il n’est aucunement question de revenir sur cette réforme du système judiciaire et plus précisément sur le volet disciplinaire de cette réforme jugé comme étant non conforme au droit européen par Bruxelles.

Selon Pavel Jablonski, vice-ministre polonais des Affaires étrangères, ce n’est pas la Pologne qui met à mal l’État de droit dans cette affaire, mais l’Union européenne qui ne respecte pas les textes : « L’État de droit met l’Europe en danger, de manière générale. L’État de droit est un principe qui dit que l’on doit observer la loi, la loi nationale et internationale, et nous devrions également respecter les traités européens. Ces traités expliquent clairement qu’il y a certaines compétences attribuées à certaines institutions de l’UE, et que si certaines compétences ne leur sont pas attribuées, elles demeurent à l'État membre. Donc si nous avons une situation dans laquelle des institutions européennes tentent d’étendre leurs compétences, nous faisons alors face à une menace de l’État de droit européen. »

Vers plus d’engagements des institutions européennes ?

Pourtant, si le vice-ministre refuse d’admettre que l’État de droit est en danger dans son pays, les faits prouvent le contraire, estime Barbara Nowacka, députée polonaise et dirigeante du parti Initiative populaire, une formation féministe : « Ce qu’ils veulent faire, c’est rebâtir la plus grande cour de justice, mais le groupe qui souhaite faire cela est un groupe de juges sélectionnés/élus illégalement au Conseil juridique national ».

Barbara Nowacka plaide pour plus d’engagements des institutions européennes tout comme des autres formations politiques polonaises qui selon elle n’en font pas assez : « L’Union européenne peut faire davantage pression sur la Pologne pour exiger l’État de droit. La même chose est requise des partis au sein du Parlement et auprès de la société civile en Pologne. Ce n’est pas seulement à propos du système judiciaire/juridique, c’est à propos de la stabilité du système judiciaire qui cible tous les citoyens, pas que les Polonais, mais tous les citoyens de l’UE. »

Le bras de fer risque de durer

La Cour de justice de l’Union européenne a donc mis en place des sanctions avec une astreinte d’un million d’euros par jour à la demande de la Commission européenne. Une astreinte qui est en vigueur tant que le gouvernement polonais ne revient pas sur tout ou partie de cette réforme. Et ce n’est pas tout car l’Union européenne menace également de bloquer les fonds d’aide destinés à la Pologne. Des fonds indispensables pour relancer entre autres l’économie après près de deux ans de crise sanitaire.

Du jamais vu, selon Pavel Jablonski :« C’est un événement sans précédent. Jamais auparavant des institutions européennes ont utilisé cela et nous pensons que c’est une très mauvaise démarche pour l’avenir de l’UE, car aujourd’hui, cela touche la Pologne, et nous disons très clairement qu’il y a des compétences qui relèvent de nos instances nationales et que l’UE ne peut intervenir dans certaines d’entre elles, et c’est le cas pour tous les pays. Donc aujourd’hui, cela se passe en Pologne, et si cela marche, fonctionne, la démarche sera renouvelée dans d’autres pays ».

Le bras de fer n’est donc pas près de se terminer. Le gouvernement polonais fait pour l’instant fi des menaces et des sanctions de l’Union européenne. Et désormais le sujet d’un Polexit, c’est-à-dire d’une éventuelle sortie de la Pologne de l’Union européenne, est sur la table, même si le gouvernement refuse de l’admettre. Il faut dire qu’un référendum sur la question aurait peu de chance d’aboutir dans ce pays où une grande majorité des citoyens se disent pro-européens.


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