Le calme est revenu dans un Liban très polarisé sur l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth

La tension reste forte au Liban au lendemain de combats qui ont fait six morts et une trentaine de blessés lors d’une manifestation organisée par le Hezbollah et le mouvement chiite Amal pour dénoncer l’action du juge Tarek Bitar, chargé de l’enquête sur la double explosion du port de Beyrouth, en août 2020. L’armée s’est déployée en force sur empêcher une reprise des affrontements.

 

Tareq Bitar, 47 ans, s'est forgé une réputation de magistrat intègre et incorruptible. Lorsqu'il reprend l'enquête en février dernier sur l'explosion du port de Beyrouth, il déclare au journal francophone L'Orient-Le Jour vouloir aller jusqu'au bout. « Rien ne m'arrêtera, nous avons le devoir envers les victimes de parvenir à la vérité. » 

Fait rare dans la magistrature libanaise, on ne lui connaît aucune affiliation politique. Il incarne le symbole d'une justice indépendante aux yeux des victimes de l'explosion du port mais pas seulement. Toute une partie de la population le soutient sur les réseaux sociaux, dégoutée par la classe politique libanaise. 

Mais Tarek Bitar s'est aussi fait des ennemis en inculpant plusieurs responsables politiques, son enquête a même été un temps suspendue. En émettant mardi un mandat d'arrêt contre un ex-ministre du parti Amal, allié au Hezbollah, il a déclenché les foudres des deux partis chiites qui ont décidé de manifester jeudi pour réclamer sa tête.  

Gouvernement paralysé

Les événements sanglants de jeudi ouvrent en tout cas une période de troubles et d’incertitudes au Liban, analyse notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh. Sur le plan politique, le gouvernement libanais est désormais paralysé car sa composante chiite refuse de participer au Conseil des ministres tant que le juge Tarek Bitar, accusé d’être « politisé » et « sélectif », n’est pas remplacé.

Sur le terrain, l’autorité de l’État est affaiblie davantage, surtout si les instigateurs et les participants aux combats de jeudi ne sont pas arrêtés et traduits en justice. La polarisation apparaît clairement dans la presse. Le quotidien  L’Orient-Le Jour titre en Une : « L’action du Hezbollah réveille les démons de la guerre », en faisant assumer au parti chiite la responsabilité des incidents meurtriers.

Le spectre de la guerre civile

L’Orient-Le Jour souligne l’isolement du Hezbollah dont le « comportement, qui a replongé les Libanais dans l’ambiance cauchemardesque de la guerre civile de 1975 », a été « désavoué sans détour » par « son allié chrétien, le président Michel Aoun, et le parti qu’il a fondé ».

À l’inverse, Al Akhbar accuse sans ambages le chef des Forces libanaises Samir Geagea de vouloir entraîner le Liban dans une guerre civile. Le ton du journal est menaçant. L’éditorialiste et rédacteur en chef assure que le Hezbollah a « perdu patience et exige que les tireurs soient arrêtés », sans quoi il « fera lui-même ce qui s’impose ».

La France, les États-Unis, et le secrétaire général des Nations unies ont appelé au calme jeudi dans ce pays frappé depuis près de deux ans par une crise économique et financière sans précédent.


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