Balkans occidentaux: un sommet pour faire patienter des pays en quête d’une adhésion à l’UE

Le sommet UE-Balkans occidentaux qui réunit les Vingt-Sept et les chefs d'État de la Serbie, de la Bosnie, du Kosovo, de la Macédoine du Nord, du Monténégro et de l’Albanie s'ouvre ce mercredi en Slovénie. Six petits pays du sud-est du continent, entourés de pays membres, qui sont candidats à l’entrée au sein de l’Union depuis près de 20 ans. Beaucoup ont le sentiment que le processus d’intégration n’avance pas et que les sommets s’enchaînent sans véritables d’avancées.

 

Le dossier rend un peu morose ceux qui le suivent. « On a le sentiment que plus rien n’avance dans ce processus d’intégration, constate Sébastien Gricourt, directeur de l’Observatoire des Balkans à la Fondation Jean Jaurès. « La promesse initiale est pourtant formelle. Mais elle date du Sommet de Thessalonique en 2003… Il y a 18 ans. »

Freins

De nombreux facteurs, internes aux Balkans et à l’Union européenne ont enlisé les négociations. D’abord, les questions relatives à l’état de droit, socle sur lequel s’appuie l’intégration de nouveaux membres au sein de l’UE. D’un côté, les pays des Balkans occidentaux se sont engagés à faire valoir les valeurs fondamentales de l’état de droit, mais leurs efforts en matière de séparation des pouvoirs ou de lutte contre la criminalité organisée peinent à se concrétiser. De l’autre, les importants investissements de l’Union européenne, premier bailleur de fonds dans la région, n’ont pas servi à déloger des autocrates, ni à endiguer la corruption.

Par ailleurs, des tensions frontalières et ethnoculturelles ne sont toujours pas réglées. Rien que la semaine dernière, une poussée de fièvre inédite sur des histoires de plaques d’immatriculation a fait craindre le pire à la frontière entre la Serbie et le Kosovo.

Les pays de l’Union, divisés, font également ralentir les pourparlers. Dernièrement, en 2019, la France, le Danemark et les Pays-Bas ont ainsi gelé les négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Aujourd’hui, c’est la Bulgarie qui met son veto à cause d’un différend culturel.

Une région stratégique...

De quoi refroidir les aspirations européennes dans une région où l’espoir d’entrer dans l’Union ne cesse de chuter : selon le Baromètre des Balkans 2020, un quart des citoyens pense que leur pays ne fera « jamais » partie de l’Union. Les 3,3 milliards d’euros d’aides européennes pendant la crise du Covid-19 ont tout de même réhabilité les institutions européennes auprès des citoyens dans les Balkans, et ce malgré quelques lenteurs au départ dont avait en particulier profité la Chine.  

Entourés de pays membres, dernière zone grise sur la carte de l’Union européenne, les Balkans occidentaux ont pourtant un intérêt géostratégique certain pour l’Europe : « C’est aberrant de voir une région d’Europe déconnectée des grands axes routiers et ferroviaires du continent », se désole Alexis Troude, spécialiste de la région à l’Université de Versailles-Saint-Quentin. « Il faut occuper l’espace du Sud-Est européen pour avoir un lien avec la Grèce, la Roumanie et la Bulgarie », juge-t-il. 

Non seulement la richesse agricole des Balkans et les savoir-faire techniques de ses ingénieurs seraient des atouts pour l’Union européenne, mais sa crédibilité internationale est en jeu, selon Sébastien Gricourt : « Si elle n’est pas capable d’intégrer cette région, à quoi peut-elle prétendre dans le reste du monde ? »

Et convoitée

D’autant que d’autres puissances étrangères n’ont pas attendu pour avancer leurs pions. La Russie a réussi à terminer son réseau de distribution de gaz qui évite l’Ukraine en passant par les Balkans pour arriver en Hongrie, et signe de très nombreux accords militaires avec la Serbie, la Macédoine ou la Bosnie. La Chine, elle, « considère ces pays – et surtout la Serbie – comme son "cheval de Troie" pour entrer en Europe, explique Alexis Troude. Après avoir acheté des ports en Grèce et en Italie, la Route de la Soie se prolonge actuellement au Monténégro et en Bosnie. Ils refont tout le système autoroutier et ferroviaire », détaille-t-il.

Des projets qui marquent les esprits, même s’ils ne sont pas toujours bien réussis, nuance Sébastien Gricourt, qui rappelle « le piège de la dette » dans lequel se trouve le Monténégro après avoir accepté un prêt d'un milliard de dollars pour une route, qu’il peine à rembourser.

Les projets européens, pourtant nombreux et importants, dans des domaines tels que la santé ou l’éducation ne bénéficient pas de la même publicité. C’est d’ailleurs ce que laissent entendre des sources européennes qui estiment que « c’est le moment de nous affirmer, de faire comprendre que nous sommes le principal investisseur et le partenaire commercial le plus proche ». Face à l’échec des efforts d’intégration, l'Union doit au moins renouveler son image.

D’où le paquet économique de 30 milliards d’euros sur sept ans que promet aujourd’hui l’UE aux Balkans occidentaux pour financer les transports mais aussi la transition énergétique, la santé, la formation ou la numérisation de l’économie. « Tout cela est porteur d’espoir et ce sont des secteurs qui n’intéressent pas la Russie et la Chine. Si ce sommet peut permettre de concrétiser l’usage de ces fonds, ce sera déjà bien » conclut Sébastien Gricourt.

À défaut d’un calendrier pour une intégration politique des Balkans, l’UE mise sur un approfondissement des liens économiques et davantage de dialogue politique… histoire de les faire patienter.


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