Après le départ des Américains, les Afghans s’exilent vers le Pakistan, première destination des réfugiés

Les derniers soldats de l’armée américaine ont quitté l’Afghanistan lundi 30 août au soir, mettant fin à 20 ans de guerre, la plus longue de l’histoire des États-Unis. Alors que les talibans ont saisi le l’aéroport militaire de Kaboul, plus de 20 000 personnes traversent la frontière vers le Pakistan, première destination des réfugiés, d’où certains vont tenter de rejoindre l’Europe.

 

Depuis le départ des Américains, Kaboul est une « ville fantôme », selon les mots d’un résident encore sur place : « Il n’y a pas beaucoup de monde dans les rues. Notre pays s’effondre, s’écroule », nous dit ce jeune homme.

Il nous a expliqué que l’économie déjà fragile avant la prise de pouvoir des talibans l’était encore plus désormais. Les banques y sont fermées, il n’y a plus de liquidités, des personnes ont faim, elles n’ont pas d’argent pour acheter à manger ou pour payer leur loyer. Une voiture qui coûtait 9 000 dollars il y a encore un mois n’en vaut plus que 3 000, pareil pour les maisons.

Les militants de la société civile, les journalistes, ceux qui ont travaillé avec les étrangers et qui n’ont pas encore pu quitter le pays sont terrorisés. Beaucoup se cachent chez des amis, louent d’autres habitations.

 

Des personnes nous expliquent avoir reçu la visite de talibans qui les ont interrogés, menacés, qui ont fouillé leur habitation, qui ont saisi certains de leurs biens ou pris leur voiture. C’est déjà la terreur qui s’est installée pour une partie de la population.

Si les talibans sont les vainqueurs, il reste une poche de résistance : dans la vallée du Panshir, le fief du commandant Massoud, assassiné le 9 septembre 2001 dans une attaque suicide. Il était une figure de la résistance anti-talibane. Son fils Ahmad a pris le flambeau et s‘y trouve. Les talibans ont d’ailleurs lancé une attaque lundi 30 août au soir contre cette dernière poche de résistance.

À l’étranger, la diaspora afghane se mobilise aussi. C’est d’ailleurs relayé sur les réseaux sociaux, avec notamment le hashtag #FreeAfghanistan (soit #LibérezlAfghanistan).

Lundi 30 août, un journaliste et défenseur des droits de l’homme a d’ailleurs publié une vidéo d’un rassemblement d’afghans dans les rues de Stockholm. On y voit des dizaines de personnes faisant flotter le drapeau afghan noir, rouge et vert qui a été remplacé en Afghanistan par celui des talibans, blanc et portant la mention « Émirat islamique d’Afghanistan ».

Les manifestants rassemblés sur une place de la capitale suédoise ont chanté notamment « Sarzamin e man » (« ma terre natale » en persan) : une chanson célèbre d’un poète et musicien afghan qui raconte la douleur de l’exil et de la séparation de sa terre natale.

Face à la situation à l’aéroport de Kaboul, les Afghans prennent la route

Avec le retrait des Américains qui contrôlaient l’aéroport militaire, les évacuations d’Afghans en danger ont été ralenties. On sait que certains pays ont pu continuer jusqu’à récemment les évacuations via l’aéroport mais l’enjeu majeur, celui de la sécurité, n’était pas assuré.

Un attentat kamikaze revendiqué par le groupe État islamique a eu lieu jeudi 26 août à l’une des portes de l’aéroport militaire. Un attentat meurtrier qui a fait des dizaines de morts parmi les civils, des morts parmi les combattants taliban et 13 soldats américains et 3 britanniques tués.

Plusieurs civils ont également été tués par balles. Il semblerait que des soldats américains aient ouvert le feu, pris de panique dans la foule affolée, au milieu des blessés et des morts dans l’explosion.

Face à cette situation à l’aéroport, c’est surtout par la route que des milliers d’Afghans tentent désormais de fuir leur pays. Selon le l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 515 000 réfugiés ont déjà fui récemment l’Afghanistan.

Ce flux va sans doute continuer. Le HCR se prépare à ce qu'un demi-million de personnes, voire plus, fuient l'Afghanistan au cours des prochains mois, dont une majorité vers le Pakistan. Actuellement, environ 20 000 personnes traversent cette frontière quotidiennement, soit le triple des 6 000 habituels.

Il y a déjà 3 millions de réfugiés afghans au Pakistan, notamment des réfugiés de la guerre contre l’Union soviétique, ou encore ceux de la guerre civile en Afghanistan des années 1990. La moitié d’entre eux n’a aucune pièce d’identité et est en situation illégale.

Pour le Pakistan, qui fait face à une crise économique important accentuée avec la pandémie de Covid-19, cet afflux de réfugiés est un énorme défi.

Pour autant le pays ouvre ses portes. Et ce malgré le discours initial affiché des autorités pakistanaises qui affirmaient ne pas vouloir accueillir des refugies.

Cela se voit à Islamabad, la capitale pakistanaise. Les hôtels se préparent à être en partie réquisitionné pour loger les réfugiés qui arrivent. Parmi ces derniers, il y a ceux qui pourraient seulement transiter par le Pakistan, pour rejoindre ensuite d’autres pays, dont des pays européens qui ont accordé l’asile.

Car avec le départ des Américains, l’aéroport militaire de Kaboul qui servait aux évacuations n’est désormais plus une option. Les pays voisins comme le Pakistan vont servir de pays tiers pour les départs des réfugiés vers leurs pays d’accueil.


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