Plan de relance : le vote très révélateur au Parlement européen

Comment rembourser le grand emprunt du plan de relance européen ? Par de nouvelles taxes. Pas si simple à voter pour certains députés…

Les éclats de voix du Conseil européen de juillet ont laissé des traces. Le clivage entre les pays frugaux et les autres ne s'est pas effacé par un coup de baguette magique en dépit du compromis final. À cet égard, le vote qui a eu lieu cette semaine au Parlement européen sur la proposition du Conseil relative aux « ressources propres » de l'Union est très révélateur.

Par cette décision, il s'agit tout à la fois de permettre à la Commission d'emprunter les 750 milliards d'euros du plan de relance et de rembourser cet emprunt par la création de nouvelles taxes. Les frugaux (Pays-Bas, Suède, Autriche, Danemark et Finlande) auraient préféré que le remboursement soit opéré par la hausse des contributions des États membres au budget européen. Ils ont renoncé à cette idée sous la pression de tous les autres, France et Allemagne en tête. L'UE va donc se doter de « nouvelles ressources financières propres » auprès de contribuables qui, pour le moment, y échappent largement (les Gafam) ou polluent (la taxe carbone aux frontières, le système ETS).

Renew ne fait pas bloc

La décision a été confortablement approuvée par 455 voix. Les « contre » étaient au nombre de 146. Et 88 se sont abstenus. Mais le plus intéressant consiste à détailler les votes par famille politique et par nationalité.

Le groupe libéral Renew, dont Emmanuel Macron est l'un des leaders phare, n'a pas pu se rassembler à l'unanimité derrière ce choix : 21 députés Renew ont voté « contre ». Ainsi, quand on parle de nouvelle taxe, les 7 eurodéputés allemands du FDP sortent un carton rouge. Par cohérence idéologique, ils sont allergiques à tout nouveau prélèvement, en Allemagne comme en Europe.

Les Scandinaves résistent

Les eurodéputés issus des pays frugaux n'ont pas digéré la capitulation de leurs chefs au Conseil européen. Si Mark Rutte (Pays-Bas), Stefan Lofvën (Suède), Sebastian Kurz (Autriche), Mette Frederiksen (Danemark) et, dans une moindre mesure, Sanna Marin (Finlande) ont fini par céder à la pression du tandem Macron-Merkel, leurs représentants dans l'hémicycle européen font de la résistance. Les quatre amis de Mark Rutte, leader du VVD, n'ont pas endossé sa décision, tout comme quatre autres députés danois du parti Vernst, ni les Suédois. On retrouve la même opposition des Scandinaves au sein des dix votes négatifs enregistrés au PPE (les chrétiens-démocrates), avec un fort contingent suédois.

Chez les Français, les opposants au plan de relance, et de surcroît à toute nouvelle ressource associée, sont surtout à l'extrême droite. Ainsi, tous les députés français du Rassemblement national ont voté contre.

Les LR s'abstiennent de prendre position

Les abstentionnistes marquent sur ce sujet un embarras, un malaise, une insatisfaction. Les eurodéputés LR se sont tous abstenus, sauf François-Xavier Bellamy qui a voté "contre" et Nathalie Colin-Oesterlé (LR-Les Centristes) qui a voté "pour'. Bellamy a dit sa gêne vis-à-vis d'un plan de relance qui ferait reposer la dette sur les épaules des générations futures. Mais comment faire autrement ? Pas de solution évidente, alors, au mieux, on s'abstient. Certains « la mort dans l'âme ». Personne ne peut se réjouir d'endosser une dette sur 30 ans. Si l'effort de bonne gestion aurait dû être la règle générale partout en Europe, tel n'est pas le cas et il est de toute façon trop tard. Cette pandémie va faucher des économies européennes déjà très endettées (France, Italie, Espagne, Grèce…). Les pays frugaux râlent, mais le mal est fait.

Dans quelques semaines, les Parlements nationaux devront à leur tour se positionner par un vote. Les débats à la Tweede Kamer (la chambre basse du Parlement néerlandais) seront particulièrement à suivre compte tenu de la très fragile majorité du gouvernement composite de Mark Rutte sur les questions européennes. Il suffirait qu'un seul Parlement national parmi les vingt-sept refuse à la Commission le droit d'emprunter (par augmentation du plafond des ressources propres) pour que tout l'échafaudage du plan de relance dit « Next Generation UE » s'effondre. Les Néerlandais oseront-ils en prendre la responsabilité ?


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