En Afrique du Sud, la pandémie a plongé la distribution dans la tourmente

La pandémie de coronavirus a sérieusement mis en difficulté la distribution et le commerce de détail en Afrique du Sud, victimes du confinement, de la déroute de l'économie et de l'inquiétude persistante des consommateurs.

Comme un symbole, le groupe Massmart, propriété du géant américain Walmart, a confirmé jeudi "l'impact significatif" de la crise sanitaire sur son chiffre d'affaires semestriel, dont il anticipe un recul de 42%.

Selon les prévisions, les prochains mois s'annoncent tout aussi délicats pour l'ensemble du secteur, dont l'activité représente 15% du produit intérieur brut (PIB) du pays.

Depuis la fin du mois de mars, le confinement imposé par le gouvernement sud-africain pour ralentir la progression du Covid-19 a forcé les magasins à tourner au ralenti. Seuls l'alimentation, la pharmacie et, dans une moindre mesure, l'habillement ont été considérés comme des biens essentiels.

La plupart des enseignes ont depuis progressivement rouvert leurs portes. Mais ce n'est que mardi dernier que les dernières restrictions ont été levées, dont celles très controversées sur les ventes d'alcool et de tabac.

"L'alcool et le tabac vont donner un petit coup de fouet", anticipe Casperus Treurnicht, gestionnaire de portefeuille à Gryphon Asset Management. Mais "le climat actuel va peser sur tous ceux qui étaient déjà en difficulté".

La crise sanitaire a frappé l'économie la plus industrialisée du continent alors qu'elle venait d'entrer en récession.

"Les clients ont peur"

Dans un contexte de croissance atone, de chômage endémique et de dérapage des finances publiques, le Covid-19 devrait plonger en 2020 l'Afrique du Sud dans une récession inédite - au moins 7% selon les dernières anticipations de la Banque centrale.

La violence de la pandémie - le pays a enregistré plus de 600.000 infections et 12.500 morts - a contraint ses autorités à maintenir des mesures sanitaires strictes, qui pèsent sur les finances des entreprises.  

La chaîne de supermarchés Pick n Pay, deuxième sur le marché sud-africain, a ainsi  financé un programme de départs volontaires pour 1.400 de ses 9.000 salariés, équipé tout son personnel de matériel de protection et versé des primes à ceux restés en première ligne.

Résultat, il anticipe une réduction de moitié de ses bénéfices au premier semestre. 

Les dépenses liées à la protection des salariés et des clients semblent toutefois incontournables.

"Ceux qui ne montrent pas que faire ses courses dans leurs rayons est sans danger seront probablement les perdants de la course à la survie qui s'est engagée", souligne l'analyste Lulama Qongqo, de Mergence Investment. "Les clients ont peur".

La distribution doit en outre subir les effets du recul de la consommation causée par la remontée du chômage. 

Depuis janvier, la Banque centrale a déjà réduit de 300 points de base ses taux d'intérêt dans l'espoir de relancer la machine économique.

Ventes en-ligne

Très peu d'analystes estiment toutefois que cet effort sera suffisant. "La consommation va continuer à reculer et seuls ceux qui pratiquent les meilleurs prix sortiront leur épingle du jeu", prédit Casperus Treurnicht.

Le déclin des ventes dans les magasins s'est accompagné d'une hausse des achats sur internet.

"On peut dire que les Sud-Africains ont adopté le principe du commerce en ligne et que cette tendance va se perpétuer", se réjouit Matthew Leighton, porte-parole de la plateforme OneDayOnly. "Il est devenu la bouée de sauvetage de la distribution sud-africaine".

Le numéro 1 du secteur dans le pays, Takealot, qui emploie plus de 2.000 salariés, a ainsi constaté que la demande continuait à croître sur ses sites, malgré la fin du confinement.

Le groupe d'habillement Mr Price a lui vu ses ventes en ligne progresser de 75% ces derniers mois.

Quand au géant continental Shoprite - l'un des rares dont les résultats ont progressé sur douze mois au 30 juin - il a lancé à la faveur du confinement sa propre application sur téléphone mobile pour la vente en ligne et la livraison des produits alimentaires.

"Sur le long terme, le commerce en ligne sera source de bénéfices", promet Lulama Qongqo.

Mais pour l'heure il reste anecdotique, à cause d'infrastructures limitées et du prix trop élevé des abonnements à l'internet. Moins de 2% des ventes du pays, selon une récente étude. Un chiffre très insuffisant pour sortir la distribution de la crise du Covid.


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