Le "Pacte vert" : Bruxelles dévoile son plan pour décarboner son économie

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté mercredi son "big bang" climatique pour décarboner l'économie européenne.

 

Fin des voitures à essence, taxe kérosène dans le secteur aérien, taxation des importations, réforme du marché du carbone – au risque de renchérir le prix des carburants... Bruxelles a dévoilé, mercredi 14 juillet, son projet de "big bang" législatif pour atteindre les objectifs climatiques de l'UE.

La Commission européenne a présenté douze textes dont la finalité est de réduire les émissions de gaz à effet de serre du continent de 55 % à l'horizon 2030 par rapport à 1990, mesures qui feront l'objet, pendant au moins un an, d'âpres discussions entre eurodéputés et États membres.

"L'Europe est le tout premier continent à présenter une architecture verte complète : nous avons l'objectif, et désormais la feuille de route pour l'atteindre", a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, lors d'une conférence de presse.

Si les conséquences sociales de certaines propositions inquiètent – après le mouvement des Gilets jaunes en France, notamment – Ursula von der Leyen a souhaité rassurer : "Notre plan combine la réduction d'émissions carbone avec des mesures pour préserver la nature et placer l'emploi et l'équité sociale au cœur de cette transformation" verte.

 

Bruxelles défend notamment l'arrêt de la commercialisation des voitures à essence à partir de 2035. Un choix qui inquiète la filière automobile : celle-ci relève un manque de bornes de recharge et redoute les effets d'une transformation industrielle qui pourrait provoquer une hémorragie d'emplois.

La Commission européenne prévoit de son côté un coup d'accélérateur pour installer des points de chargements pour véhicules électriques "tous les 60 kilomètres".

L'UE propose également de taxer à partir de 2023 le kérosène pour les vols au sein de l'UE, tout en imposant un taux minimal de biocarburants – de quoi alarmer les compagnies qui redoutent une "distorsion de concurrence" avec le reste du monde et dénoncent une mesure "contre-productive".

"L'aviation est engagée sur la voie de la 'décarbonation'" et n'a pas besoin "de mesures punitives comme les taxes" pour changer, a affirmé l'Association internationale du transport aérien (IATA) dans un communiqué.

"Un ‘paquet climat’ historique"

Mais le pilier principal est un élargissement considérable du marché du carbone européen (ETS) établi en 2005, où s'échangent les "permis à polluer" requis pour certains secteurs (électricité, sidérurgistes, cimentiers, aviation intra-UE) représentant 40 % des émissions des Vingt-Sept.

Jusqu'ici, l'essentiel des entreprises visées se voyaient offrir des quotas d'émissions gratuits, qu'elles peuvent revendre. Bruxelles entend les restreindre drastiquement.

Bruxelles souhaite aussi que certaines importations (acier, ciment, électricité...) soient graduellement soumises aux règles de l'ETS à partir de 2026 : les importateurs devront acheter des "certificats d'émissions" basés sur le prix du carbone qu'ils auraient dû acquitter si les biens avaient été produits dans l'UE.  

L'idée est d'éliminer toute concurrence étrangère "déloyale" et de dissuader les délocalisations. Pour la Commission, il s'agit d'un "ajustement aux frontières" et non d'une taxe, pour contrer l'accusation de protectionnisme. Les recettes alimenteront le budget européen.

Dans un souci d'équilibre, les quotas gratuits distribués aux industriels et compagnies aériennes de l'UE pour affronter la concurrence étrangère diminueraient très progressivement, entre 2026 et 2036, avant de disparaître.

"C'est un ‘paquet climat’ historique. Le prix du CO2 va monter mécaniquement à un niveau ayant un impact majeur sur les modèles économiques des industries", qui auront intérêt à adopter des technologies propres, estime Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission Environnement au Parlement européen.

Bruxelles veut également étendre l'ETS au transport maritime, au transport routier et au chauffage des bâtiments sur un "second marché carbone" dès 2026.

En pratique, cela reviendrait à obliger les fournisseurs de carburants ou de fioul domestique à acheter des quotas d'émissions au prix du CO2, répercutant mécaniquement ce surcoût sur la facture des ménages.

"On voit beaucoup de carottes, sans l'ombre d'un bâton"

ONG environnementales et eurodéputés de tous bords s'y opposent farouchement, craignant des mouvements sociaux: "C'est un risque Gilets jaunes et Bonnets rouges cumulés (...) pour un gain climatique très faible ", juge Pascal Canfin.

En touchant les plus vulnérables, locataires de logements mal isolés ou habitants des campagnes, "la Commission semble oublier que ce sont les classes moyennes qui en feront les frais", abonde Agnès Evren (PPE, droite).

"Les bâtiments accaparent 40 % de la consommation d'énergie, et les émissions du transport routier ne cessent de gonfler, il faut à tout prix inverser la tendance, d'une façon juste et sociale", s'est défendue Ursula von der Leyen.

La Commission promet un "mécanisme d'action sociale" – un fonds alimenté par les recettes du "second ETS" et évalué par une source européenne à 70 milliards d'euros sur dix ans pour contrer la précarité énergétique.

Mais Domien Vangenecheten, de l'ONG E3G, dénonce la prolongation attendue, pour des années, des quotas d'émissions gratuits aux industriels: "On voit beaucoup de carottes, sans l'ombre d'un bâton".

Les élus verts demandent leur arrêt immédiat, réclamant aussi "un prix-plancher" du CO2. À l'inverse, les sidérurgistes plaident pour le maintien durable de ces aides, jugées nécessaires à leur compétitivité.

"L'écologie et l'économie ne doivent pas être opposées, il est crucial de considérer la dimension sociale (...) et de refuser une désindustrialisation rampante de l'UE", tonne l'eurodéputé (PPE) Manfred Weber.

La Commission veut aussi relever considérablement la part d'énergies renouvelables visée en 2030, y compris en incluant la biomasse extraite des forêts – au grand dam de l'ONG Greenpeace, qui dénonce aussi l'idée d'une cible d'absorption de CO2 via les "puits de carbone" naturels (forêts) qui masquerait des baisses insuffisantes des émissions industrielles.


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