Droits TV: Mediapro attendu à la caisse, le foot français à un tournant

"Il faut toutefois attendre, peut-être qu'un dernier revirement est encore possible, même si cette hypothèse est très, très mince", estime une source ayant connaissance du dossier.

Le patron du diffuseur Mediapro, l'Espagnol Jaume Roures, lors d'une conférence de presse à Paris, le 21 octobre 2020 à Paris FRANCK FIFE AFP/Archives

 

L'échéance est cruciale: le diffuseur Mediapro, censé honorer samedi un nouveau versement de droits TV pour la Ligue 1, pourrait sécher l'échéance après l'avoir déjà fait en octobre, un scénario cauchemardesque pour un football français de plus en plus aux abois.

C'est le prochain épisode dans le conflit entre la Ligue de football professionnel (LFP) et le groupe sino-espagnol, qui souhaite renégocier à la baisse le montant dû pour cette saison pour la L1 (780 M EUR): Mediapro a refusé de verser les 172 millions d'euros dus début octobre et n'a délivré aucun signe permettant de croire qu'il paiera la somme due samedi, d'un montant approchant.

"Il faut toutefois attendre, peut-être qu'un dernier revirement est encore possible, même si cette hypothèse est très, très mince", estime une source ayant connaissance du dossier.

 

Que va-t-il se passer si Mediapro oppose un deuxième refus? Techniquement, la LFP devra retourner voir un établissement bancaire pour renégocier un nouvel emprunt après celui contracté en octobre.

"Et là ça peut être compliqué ", estime Luc Arrondel, économiste et directeur de recherche au CNRS. Car l'endettement de la LFP, qui a également contracté un prêt garanti par l'État de 224,5 millions d'euros en mai face à l'arrêt anticipé de la saison pour cause de pandémie de coronavirus, commencerait à être considérable.

- "Déterminant" -

"La LFP a déjà contracté un emprunt, ils sont déjà endettés, et les besoins en liquidités sont immédiats. Le problème c'est que les budgets des clubs français sont basés sur ce qu'ils sont censés toucher en droits TV" avec le contrat record de Mediapro, rappelle Luc Arrondel.

Si le diffuseur persistait dans sa stratégie, celle de la LFP pourrait en revanche peut-être évoluer.

Depuis plus d'un mois, la LFP et Mediapro sont engagés dans un processus confidentiel de conciliation, arbitré par un mandataire judiciaire, Marc Sénéchal.

Cette procédure, engagée le 19 octobre, peut théoriquement durer quatre mois. Une durée a priori bien trop longue au regard de l'urgence de trésorerie des clubs, touchés de surcroît par l'absence de billetterie en raison des mesures de huis clos sanitaire.

Mais cette procédure n'empêche pourtant pas la LFP de dénoncer le contrat. "C'est aussi la preuve que (les dirigeants de la LFP) voulaient jusqu'ici sortir de cette crise par la négociation", assure une source proche de l'instance.

La LFP pourrait donc changer d'approche et commencer à se retourner vers les actionnaires de Mediapro pour trouver une issue. "C'est l'une des hypothèses", assure cette source.

Totalement silencieuse sur ce dossier, un choix assumé dicté également par la confidentialité requise lors d'une procédure de conciliation, l'attitude de la LFP reste en tout cas insondable.

Pour l'heure, même si selon Mediapro la "question des échéances n'a pas beaucoup de sens" en raison de la conciliation, le diffuseur semble bel et bien tenu de payer.

"Le prochain horizon est contractuel, c'est le 5 décembre. Il constitue un point d'horizon déterminant pour toutes les parties dans le déroulé de la négociation", indique une autre source ayant connaissance du dossier.

C'est donc une étape cruciale qui pourrait faire bouger les choses dans un conflit totalement enlisé. Selon cette source, Mediapro a demandé un rabais compris entre 150 et 200 millions d'euros cette saison, ce qu'a refusé la LFP. Le dialogue n'est pas rompu, mais il semble compliqué tant les positions sont éloignées.

- "Situation ubuesque" -

En revanche, l'hypothèse d'un rapprochement entre Mediapro et l'ex-diffuseur historique Canal+ a pris du plomb dans l'aile.

Mediapro vient en effet d'assigner Canal+ auprès du tribunal de commerce de Paris, l'accusant de vouloir l'évincer du marché. Le groupe sino-espagnol n'est jamais parvenu à trouver un accord avec la chaîne cryptée pour la distribution de sa chaîne Téléfoot.

Une porte fermée qui empêche Mediapro de faire gonfler le nombre de ses abonnés, qui atteignaient mi-octobre près de 600.000 selon le groupe catalan, bien loin des 3,5 millions nécessaires pour rentabiliser son contrat.

"Pour moi, l'affaire Mediapro est terminée, dans le sens où Mediapro ne sera pas le diffuseur de la Ligue 1 dans les quatre ans à venir", tranche Jean-Pascal Gayant, professeur en sciences économiques à l'université du Mans.

"Le contentieux risque d'être long et sanglant, on attend l'issue de cette situation ubuesque. En gros, la Ligue n'attend qu'une chose, c'est que Mediapro jette l'éponge et qu'on puisse repartir sur un appel d'offres, pour que Canal+ puisse reprendre l'essentiel des lots de droits TV", pronostique-t-il.


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