Le prix Goncourt attribué à Hervé Le Tellier pour «L'Anomalie»

Le plus prestigieux prix en langue française a été décerné, ce lundi 30 novembre, au romancier français Hervé Le Tellier. C’est par visioconférence que le nouveau lauréat du prix Goncourt a été couronné pour « L’Anomalie » (éditions Gallimard), un roman hors du commun.

Portrait de l'écrivain Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020 pour «L'Anomalie». Francesca Mantovani © Editions Gallimard

 

Ce n’est pas en descendant l’escalier du restaurant parisien Drouot et devant une foule de journalistes excités, mais dans l’ambiance clinique d’une visioconférence avec 200 journalistes connectés que le nom du lauréat a été annoncé par le président du jury du prix Goncourt, Didier Decoin : « Le prix Goncourt 2020 a été attribué à Hervé Le Tellier pour L'Anomalie, avec huit voix contre deux pour L'Historiographe du royaume, de Maël Renouard. » La réponse laconique du lauréat, assis devant une porte brune et entre deux murs blancs : « Merci infiniment... »

« Vertigineux », « facétieux », « le roman dont on a besoin maintenant »… Même avant le couronnement d’aujourd’hui, les adjectifs élogieux ne manquaient pas auprès des critiques littéraires pour résumer ce « roman 2.0 » très drôle de l’écrivain français.  

Être confronté à son propre double

C’est à bord d’un Boeing d’Air France en difficulté et avec une galerie de personnages que l’auteur nous catapulte dans son histoire. Nous sommes en juin 2021 et les 243 passagers du vol Paris-New York 0006 sont stupéfaits d’être accusés par la CIA d’avoir atterri pour la deuxième fois en trois mois ensemble, avec une équipe identique et un avion pareillement endommagé, sur le sol américain. Or, il se trouve que leurs doubles sont déjà arrivés au sol au mois de mars… 

Chaque individu est donc confronté à son propre double et condamné à accepter cette part de lui-même qui, au temps normal, lui échappe. Il y a l’écrivain désespéré, l’avocate carriériste, l’architecte frustré, le chanteur nigérian, la monteuse de cinéma… chaque personnage habite un autre genre littéraire, inspiré d’auteurs comme l’auteur français de romans noirs, Jean-Patrick Manchette, ou l’auteur américain de romans policiers, Raymond Chandler. Onze personnalités permettent onze interprétations différentes de la réalité, mais chacun se pose la même question : que faire quand l’autre l’Autre est comme soi-même ?  

 

La littérature comme terrain de jeu

Oscillant entre style policier, références geeks, l’humour et l’apocalypse, le roman transpire la passion d’Hervé Le Tellier d’utiliser la littérature comme terrain de jeu. Cela lui permet d’expérimenter les structures et défier les règles avec le personnage du tueur comme fil rouge. Et c’est le double littéraire de l’écrivain, Victor Miesel, l’auteur de Des échecs qui ont raté, qui mène l’enquête dans ce roman de doubles lectures où le lecteur a le droit et le plaisir de se raconter sa propre histoire. Pour Hervé Le Tellier, les deux plus importantes idées de son livre qu'il aimerait bien voir adapté au cinéma : « la duplication et la confrontation à soi-même ».  

Linguiste et mathématicien de formation, Hervé Le Tellier s’est d’abord fait connaître avec sa participation à l’émission Des papous dans la tête sur France Culture, où la littérature est transformée en jeu intellectuel et populaire.   

Les univers inexplorés du langage

Depuis 1991, il est membre du mouvement littéraire OuLiPo, créé en 1960 entre autres par Raymond Queneau et que Le Tellier préside depuis 2019. Cet Ouvroir de littérature potentielle défend une littérature inventive et innovante afin de découvrir les potentialités inexplorées du langage. Parmi ses derniers romans figurent Moi et François Mitterrand (2016) et Toutes les familles heureuses (2017).


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